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POLYMNIE, LIVRE VII.

la route d’Abydos avec son armée qui était en bon ordre. Tandis qu’il était en route, le soleil, quittant la place qu’il occupait dans le ciel, disparut, quoiqu’il n’y eût point alors de nuages et que l’air fût très-serein, et la nuit prit la place du jour. Xerxès, inquiet de ce prodige, consulta les mages sur ce qu’il pouvait signifier. Les mages lui répondirent que le dieu présageait aux Grecs la ruine de leurs villes, parce que le soleil annonçait l’avenir à cette nation, et la lune à la leur. Xerxès, charmé de cette réponse, se remit en marche.

XXXVIII. Tandis qu’il continuait sa route avec son armée, le Lydien Pythius, effrayé du prodige qui avait paru dans le ciel, vint le trouver. Les présents qu’il avait faits à ce prince et ceux qu’il en avait reçus l’ayant enhardi, il lui parla ainsi : « Seigneur, je souhaiterais une grâce ; daignerez-vous me l’accorder ? c’est peu pour vous, c’est beaucoup pour moi. » Xerxès, s’attendant à des demandes bien différentes de celles qu’il lui fit, lui promit de lui tout accorder, et lui ordonna de dire ce qu’il souhaitait. Alors Pythius, plein de confiance, lui répondit : « Grand roi, j’ai cinq fils. Les conjonctures présentes les obligent à vous accompagner tous dans votre expédition contre la Grèce. Mais, seigneur, ayez pitié de mon grand âge. Exemptez seulement l’aîné de mes fils de servir dans cette guerre, afin qu’il ait soin de moi, et qu’il prenne l’administration de mon bien. Quant aux quatre autres, menez-les avec vous, et puissiez-vous revenir dans peu, après avoir réussi selon vos désirs. »

XXXIX. « Méchant que tu es, lui répondit Xerxès indigné, je marche moi-même contre la Grèce, et je mène à cette expédition mes enfants, mes frères, mes proches, mes amis, et tu oses me parler de ton fils, toi qui es mon esclave, et qui aurais dû me suivre avec ta femme et toute la maison ? Apprends aujourd’hui que l’esprit de l’homme réside dans ses oreilles. Quand il entend des choses agréables, il s’en réjouit, et sa joie se répand dans tout le corps ; mais, lorsqu’il en entend de contraires, il s’irrite. Si tu t’es d’abord bien conduit, si tes promesses n’ont pas été moins belles, tu ne pourras pas cependant