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POLYMNIE, LIVRE VII.

dieu, vous défend de congédier votre armée. Ces songes n’ont rien de divin, mon fils ; ils errent de côté et d’autre, et sont tels que je vais vous l’apprendre, moi qui suis beaucoup plus âgé que vous. Les songes proviennent ordinairement des objets dont la pensée s’est occupée pendant le jour. Or vous savez que, le jour d’auparavant, l’expédition contre la Grèce fut fortement agitée dans le conseil.

» Au reste, si ce songe n’est pas tel que je l’assure, s’il a quelque chose de divin, vous avez tout dit en peu de mots, ce fantôme m’apparaîtra, et me donnera les mêmes ordres qu’à vous. S’il veut encore se montrer, il ne le fera pas moins, soit que j’aie mes habits où les vôtres, et je ne le verrai pas plus en reposant dans votre lit que si j’étais dans le mien. Car enfin celui qui vous est apparu en dormant, quel qu’il puisse être, n’est pas assez simple pour s’imaginer, en me voyant avec vos habits, que je sois le roi. S’il n’a aucun égard pour moi, s’il ne daigne pas se montrer, soit que je porte mes habits ou les vôtres, mais qu’il aille vous trouver, il faut alors faire attention à ses avertissements : car, s’il continue à se présenter à vous, je conviendrai moi-même qu’il y a là quelque chose de divin. Quant à votre résolution, si vous y persistez, et que rien ne puisse vous en faire changer, j’obéis, et je vais de ce pas coucher dans votre lit. Que ce fantôme m’apparaisse alors ; mais jusqu’à ce moment je persisterai dans mon sentiment. »

XVII. Artabane, ayant ainsi parlé, exécuta les ordres du roi, dans l’espérance de lui prouver que ce songe n’était rien. Il se revêtit des habits de Xerxès, s’assit sur son trône, et se coucha ensuite dans le lit de ce prince. Quand il fut endormi, le même fantôme qu’avait vu Xerxès le vint aussi trouver, et lui adressa ces paroles : « C’est donc toi qui détournes Xerxès de son expédition contre la Grèce, comme si tu étais chargé de sa conduite. C’est toi qui t’opposes aux destins. Mais tu en seras puni et dans la suite et pour le présent. Quant à Xerxès, on lui a fait voir les malheurs auxquels il est destiné s’il désobéit. »

XVIII. Telles furent les menaces qu’Artabane crut en-