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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

venu en peu de temps, tu deviendras petit en aussi peu de temps. »

XV. Effrayé de cette vision, Xerxès s’élance de son lit, mande Artabane. « Artabane, lui dit-il dès qu’il fut arrivé, je n’étais pas en mon bon sens, lorsque je répondis à vos conseils salutaires par des paroles injurieuses. Mais bientôt après je m’en repentis, et je reconnus que je devais suivre vos avis. Je ne le puis cependant, quelque désir que j’en aie. Car, depuis mon changement de résolution et mon repentir, un fantôme m’apparaît, et m’en dissuade, et même à l’instant il vient de disparaître après m’avoir fait de grandes menaces. Si c’est un dieu qui me l’envoie, et qu’il veuille absolument que je porte la guerre en Grèce, le même fantôme vous apparaîtra aussi, et vous donnera les mêmes ordres qu’à moi. Cela pourra bien arriver de la sorte, comme je le conjecture, si vous vous revêtez de mes habits royaux, et qu’après vous être assis sur mon trône, vous alliez ensuite dormir dans mon lit. »

XVI. Ainsi parla Xerxès. Artabane ne se rendit pas d’abord à sa première invitation, parce qu’il ne se croyait pas digne de s’asseoir sur le trône royal. Mais enfin, se voyant pressé par le roi, il exécuta ses ordres après lui avoir tenu ce discours : « Grand roi, il est aussi glorieux, à mon avis, de suivre un bon conseil que de bien penser soi-même. Vous excellez dans l’un et dans l’autre ; mais la compagnie des méchants vous fait tort, et l’on peut vous appliquer ce qu’on dit de la mer. Rien de plus utile aux hommes ; mais le souffle impétueux des vents ne lui permet pas de suivre sa bonté naturelle. Quant à vos discours injurieux, j’en ai été moins affligé que de voir que, de deux avis dont l’un tendait à augmenter l’insolence des Perses, et l’autre à la réprimer, en montrant combien il est pernicieux d’apprendre aux hommes à ne point mettre de bornes à leurs désirs, vous ayez suivi celui qui est le plus dangereux, et pour vous-même, et pour toute la nation. Mais aujourd’hui qu’après avoir embrassé le meilleur parti, vous renoncez à l’expédition contre la Grèce, vous dites qu’un songe, envoyé par un