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POLYMNIE, LIVRE VII.

des terreurs, ou la frappe d’aveuglement, et conséquemment elle périt d’une manière indigne de sa première fortune. Car il ne permet pas qu’un autre que lui s’élève et se glorifie. La précipitation produit des fautes qui occasionnent des disgrâces éclatantes. Ce qu’on fait, au contraire, lentement, procure de grands avantages. Si on ne les aperçoit pas sur-le-champ, on les reconnaît du moins avec le temps.

» Voilà, seigneur, les conseils que j’ai à vous donner. Et vous, Mardonius, fils de Gobryas, cessez de tenir sur les Grecs de vains propos ; ils ne méritent pas qu’on en parle avec mépris. C’est en les calomniant que vous excitez le roi à marcher en personne contre ces peuples ; c’est du moins à quoi me paraissent tendre toutes vos vues, tout votre zèle. Au nom des dieux, ne vous permettez plus la calomnie ; c’est le plus odieux des vices : c’est une injustice de deux personnes contre une troisième. Le calomnialeur viole toutes les règles de l’équité, en ce qu’il accuse un absent. L’autre n’est pas moins coupable, en ce qu’il ajoute foi au calomniateur avant que d’être bien instruit. Enfin[1] l’absent reçoit une double injure, en ce que l’un le dépeint sous de noires couleurs, et que l’autre le croit tel qu’on le lui représente.

» Mais, s’il faut absolument porter la guerre chez les Grecs, que le roi du moins reste en Perse, que nos enfants lui répondent de nos conseils. Quant à vous, Mardonius, prenez avec vous les meilleures troupes, et en aussi grand nombre que vous voudrez ; mettez-vous à leur tête, et, si les affaires du roi prospèrent de la manière que vous le dites, qu’on m’ôte la vie à moi et à mes enfants. Mais, si elles ont le succès que je prédis, que les vôtres éprouvent le même traitement, et vous-même aussi, si vous revenez de cette expédition. Si vous ne voulez pas accepter cette condition, et que vous soyez absolument déterminé à marcher en Grèce, je ne crains point d’assurer que quelqu’un de ceux qui seront restés

  1. Le grec ajoute : de la conversation.