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POLYMNIE, LIVRE VII.

ronne parce que les lois défendent en Perse au prince d’entreprendre une expédition sans avoir désigné son successeur. Darius avait, avant que d’être roi, trois enfants d’une première femme, fille de Gobryas ; mais, depuis qu’il était monté sur le trône, il en avait eu quatre autres d’Atosse, fille de Cyrus. Artobazanes[1] était l’aîné des enfants de la première femme, et Xerxès de ceux de la seconde. Comme ils n’avaient pas la même mère, ils se disputaient la couronne. Artobazanes croyait y avoir droit parce qu’il était l’aîné de tous les enfants, et que c’était un usage reçu partout que l’empire appartenait à l’aîné. Xerxès, de son côté, appuyait le sien sur ce que sa mère Atosse était fille de Cyrus, et sur l’obligation que les Perses avaient à ce prince de la liberté dont ils jouissaient.

III. Darius n’avait point encore prononcé, lorsque arriva à Suses Démarate, fils d’Ariston[2], qui s’était sauvé de Lacédémone après avoir été dépouillé de ses États. Ayant entendu parler du différend qui partageait les fils de ce prince, il conseilla à Xerxès, suivant ce qu’en a publié la renommée, d’ajouter aux raisons qu’il avait déjà données, qu’il était né depuis que Darius était monté sur le trône, au lieu qu’Artobazanes était venu au monde tandis que Darius n’était encore qu’un homme privé ; que, par conséquent, il n’était ni juste ni naturel de le lui préférer. Démarate, qui lui donnait ce conseil, ajouta que c’était aussi l’usage à Sparte qu’un fils né après l’avènement du père à la couronne succédât au trône, quand même le père en aurait eu d’autres avant que d’être roi. Xerxès s’étant servi des raisons que lui avait suggérées Démarate, Darius les trouva justes, et le nomma son successeur. Au

  1. Je crois qu’il n’est plus fait mention dans l’histoire d’Artobazanes. Je conjecture cependant que Mithridate, ce célèbre roi du Pont, qui résista pendant quarante ans aux Romains, et qui ne fut battu que par Pompée, était un de ses descendants. Diodore de Sicile, Polybe et d’autres auteurs font remonter ce dernier prince à un des sept Perses qui conjurèrent contre le mage Smerdis, sans cependant en désigner un en particulier. (L.)
  2. Xerxès donna à Démarate les villes de Pergame, de Teuthranie et d’Halisarnie, à cause qu’il l’avait accompagné dans son expédition contre la Grèce. Eurystènes et Proclès ses descendants en jouissaient encore vers la fin de la première année de la quatre-vingt-quinzième olympiade, c’est-à-dire 79 ans après, lorsqu’ils se joignirent à Thimbron, général lacédémonien.