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VIE D’HOMÈRE.

bords de la mer par ses compagnons de voyage et par ceux des habitants d’Ios qui l’avaient fréquenté pendant sa maladie. Longtemps après, et lorsque ses poëmes, devenus publics, furent admirés de tout le monde, les habitants d’Ios inscrivirent sur sa tombe ces vers élégiaques : certainement ils ne sont pas d’Homère :

« La terre recèle ici dans son sein la tête sacrée du divin Homère, dont la poésie a illustré les héros. »

XXXVII. On a vu par ce que je viens de dire qu’Homère n’était ni Dorien ni de l’île d’Ios, mais Æolien. On peut encore le conjecturer sur ce qu’un aussi grand poëte n’a pu parler dans ses poëmes que des plus beaux usages, ou de ceux de sa patrie. Vous en pourrez juger par ces vers :

« Ils lèvent la tête des taureaux vers le ciel, les égorgent et les dépouillent ; ils séparent les cuisses, les couvrent deux fois de graisse et des lambeaux sanglants de toutes les parties de la victime. »

Il n’est point parlé des reins dans ces vers, parce que les Æoliens sont les seuls d’entre les Grecs qui ne les brûlent pas. Homère fait voir aussi, dans les vers suivants, qu’étant Æolien, il suit les usages de son pays :

« Le vieillard fait brûler la victime sur le bois de l’autel, et verse dessus des libations de vin. Des jeunes gens, à côté de lui, tiennent des broches à cinq rangs. »

Les Æoliens sont les seuls peuples de la Grèce qui fassent cuire les entrailles des victimes avec des broches à cinq rangs ; celles des autres Grecs n’en ont que trois. Les Æoliens disent aussi πέμπε pour πέντε, cinq.

XXXVIII. J’ai rapporté ce qui regarde la naissance, la vie et la mort d’Homère. Il me reste à parler du temps où il a vécu. Il sera aisé de le déterminer avec exactitude et sans crainte de se tromper, si on l’examine de cette manière-ci. L’île de Lesbos n’avait point encore de villes ; on y en fonda cent trente ans après l’expédition de Troie où commandaient Agamemnon et Ménélas. Cyme, ville æolienne, appelée aussi Phriconis, fut fondée vingt ans après Lesbos ; et dix-huit ans ensuite, Smyrne le fut par les Cyméens. Ce fut en ce temps-là qu’Homère vint au