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VIE D’HOMÈRE.

et la lune dissiper, par l’éclat de sa lumière, l’obscurité de la nuit ; tant que les fleuves continueront leur course rapide et que la mer couvrira le rivage de ses vagues, on me verra constamment sur ce triste tombeau annoncer aux passants que Midas est inhumé en ces lieux. »

XII. Lorsque Mélésigènes fut à Cyme, il se rendit dans les assemblées des vieillards et leur récita ses vers. Enchantés de leur beauté, ils furent saisis d’admiration. Ravi de l’accueil que les Cyméens faisaient à ses poëmes et de la douce habitude qu’ils avaient prise de les lui entendre réciter, il leur témoigna un jour que s’ils voulaient le nourrir aux dépens du public, il rendrait la ville de Cyme très-célèbre. Ses auditeurs approuvèrent sa demande et l’engagèrent à se présenter au sénat, lui promettant de l’appuyer de leur crédit. Mélésigènes, encouragé par leurs conseils, se rendit au sénat un jour d’audience, et, s’adressant à celui qui était chargé d’admettre ceux qui avaient quelque demande à faire, il le pria de l’introduire. Cet officier ne manqua pas de le présenter aussitôt qu’il en eut trouvé l’occasion. Mélésigènes n’eut pas plutôt été admis, qu’il adressa au sénat la même prière qu’il avait déjà faite dans les assemblées des vieillards. Son discours fini, il se retira pendant que les sénateurs délibéraient sur la réponse qu’ils devaient lui faire.

XIII. Celui qui l’avait introduit, et tous ceux d’entre les sénateurs qui avaient assisté aux assemblées où il récitait ses vers, appuyèrent sa demande. On prétend qu’un seul s’y opposa, et qu’entre autres choses il dit que s’ils étaient d’avis de nourrir des homères, ils se trouveraient accablés par une multitude de gens inutiles. C’est de là, je veux dire du malheur qu’eut Mélésigènes d’avoir perdu la vue, que le nom d’Homère prévalut, car les Cyméens appellent dans leur dialecte les aveugles des homères. Les étrangers ne manquèrent pas de se servir de ce nom toutes les fois qu’ils eurent occasion de parler du poëte.

XIV. L’archonte conclut, en finissant son discours, qu’il ne fallait pas nourrir l’homère. Cet avis fit revenir les autres sénateurs, et l’emporta. L’officier qui l’avait introduit lui donna communication des différents avis sur sa