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VIE D’HOMÈRE.

destie, qu’elle lui plut. Il lui proposa de l’épouser ; et, entre autres discours qu’il lui tint pour l’y engager, et qu’il crut les plus propres à l’amener à son but, il lui promit d’adopter son fils, lui faisant espérer que cet enfant, élevé avec soin et instruit par lui, deviendrait un jour un homme de mérite : car il apercevait déjà dans cet enfant de la prudence et un heureux naturel. Crithéis, touchée de ses offres, consentit à l’épouser.

V. Les soins et l’excellente éducation secondant les heureuses dispositions qu’il tenait de la nature, Mélésigènes surpassa bientôt tous ses condisciples ; et, lorsqu’il fut devenu grand, il ne fut pas moins habile que son maître. Phémius mourut, et lui laissa tous ses biens ; sa mère Crithéis ne survécut pas longtemps à son mari. Mélésigènes, devenu son maître, présida à l’école de Phémius. Tout le monde avait les yeux sur lui. Il excita l’admiration non-seulement des habitants de Smyrne, mais encore des étrangers, que le commerce y attirait en grand nombre, et surtout celui-du blé qu’on y transportait abondamment des environs. Les étrangers, ayant terminé leurs affaires, fréquentaient son école.

VI. Il y avait parmi ces étrangers un maître de navire, nommé Mentès. Il était venu de Leucade pour le commerce du blé. Le vaisseau qu’il montait lui appartenait en propre. Il était instruit dans les lettres et savant pour ce temps-la. Mentès persuada à Mélésigènes de quitter son école et de l’accompagner dans ses voyages. Il lui proposa, pour l’y engager, de le défrayer de tout, de lui donner des honoraires, et lui fit entendre que, tandis qu’il était jeune, il était nécessaire qu’il vît par lui-même les villes et les pays dont il aurait dans la suite occasion de parler. Ces motifs le déterminèrent, à mon avis, d’autant plus aisément qu’il avait peut-être dès ce temps-là le dessein de se donner à la poésie. Il quitta son école, et, s’embarquant avec Mentès, il examina par lui-même toutes les particularités des pays où il abordait, et s’en instruisit avec le plus grand soin par les questions qu’il faisait aux uns et aux autres. Il est même naturel d’imaginer qu’il mit par écrit ce qui lui parut le plus digne de remarque.