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CALLIOPE, LIVRE IX.

avait fait à la maison royale. Or, chez les Perses, dire à un homme qu’il est plus lâche qu’une femme, c’est le plus grand outrage qu’on puisse lui faire. Indigné de tant de reproches, Artayntès tira son cimeterre pour le tuer. Mais Xénagoras, fils de Praxilas d’Halicarnasse, qui était derrière lui, s’étant aperçu qu’il fondait sur Masistès, le saisit par le milieu du corps, et, l’enlevant, il le froissa contre terre. Les gardes de Masistès arrivèrent sur ces entrefaites. Cette action valut à Xénagoras les bonnes grâces de Masistès et de Xerxès. Le roi lui donna le gouvernement de toute la Cilicie pour le récompenser d’avoir sauvé la vie à son frère. Ils arrivèrent à Sardes sans avoir éprouvé d’autre accident sur la route. Le roi y était depuis qu’il s’était sauvé d’Athènes, après la perte de la bataille navale.

CVII. Pendant le séjour de Xerxès à Sardes, ce prince devint amoureux de la femme de Masistès, qui était aussi en cette ville. Il la fit, mais en vain, solliciter de répondre à sa passion, sans user cependant de violence, par égard pour son frère. Ces mêmes égards retenaient aussi cette femme, qui n’ignorait pas qu’on ne lui ferait point de violence. Xerxès, n’ayant plus de ressources, résolut de marier Darius, son fils, à la fille de Masistès et de cette femme, croyant, par cette alliance, gagner plus aisément ses bonnes grâces. Les ayant mariés avec toutes les cérémonies accoutumées, il partit pour Suses. Lorsqu’il y fut arrivé, il fit venir dans son palais la femme de Darius ; il cessa alors d’aimer celle de Masistès, et, sa passion changeant d’objet, il devint épris d’Artaynte, femme de Darius et fille de son frère.

CVIII. Ce mystère se découvrit avec le temps, ainsi que je vais le dire. Amestris, femme de Xerxès, donna à ce prince un habit magnifique de diverses couleurs qu’elle avait elle-même tissu. Xerxès le reçut avec joie, et s’en revêtit pour aller voir Artaynte. Touché des charmes de cette princesse, il la pressa de lui demander ce qu’elle souhaiterait pour prix de ses faveurs ; et l’assura qu’elle n’éprouverait de sa part aucun refus. Comme il devait arriver quelque grand malheur à toute la maison de Masistès, « Seigneur, lui dit Artaynte, m’accorderez-vous ma de-