Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 2, 1850.djvu/208

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
209
URANIE, LIVRE VIII.

mis. Ils firent ces dispositions secrètement pendant la nuit, et sans prendre aucun repos, afin d’en dérober la connaissance aux Grecs.

LXXVII. Quand je réfléchis sur ces événements, je ne puis contester la vérité des oracles, et je ne cherche point à les détruire, lorsqu’ils s’énoncent, d’une manière aussi claire que celui-ci :

« Quand ils auront couvert de leurs vaisseaux le rivage sacré de Diane et celui de Cynosure, et que, pleins d’un fol espoir, ils auront saccagé l’illustre ville d’Athènes, la vengeance des dieux réprimera le Dédain, fils de l’Insolence, qui, dans sa fureur, s’imagine faire retentir l’univers entier de son nom : l’airain se mêlera avec l’airain[1], et Mars ensanglantera la mer. Alors le fils de Saturne et la Victoire respectable amèneront aux Grecs le beau jour de la liberté. »

Bacis s’exprimant d’une manière si claire, je n’ose contredire les oracles ; et je n’approuve point que d’autres le fassent[2].

LXXVIII. Les altercations continuaient à Salamine entre les généraux de la flotte grecque. Cependant ils ignoraient qu’ils étaient enveloppés, et croyaient les Barbares au même endroit où ils les avaient vus pendant le jour.

LXXIX. On était encore au conseil, lorsque arriva d’Égine, Aristide, fils de Lysimaque. Il était Athénien : le peuple l’avait banni par ostracisme[3], quoique, suivant ce

  1. Cette expression fait-elle allusion à l’airain dont les proues des vaisseaux étaient armées, ou aux plus anciens temps où les armes étaient d’airain, le fer n’ayant pas encore été trouvé ?
  2. Ce seul trait suffit pour faire voir qu’en fait d’oracles notre historien, écrivain d’ailleurs si plein de sens, avait la même maladie que la plupart des autres hommes de son siècle. Mais il prouve en même temps qu’il y avait déjà des gens plus clairvoyants et moins crédules. (Walckenaer.)
  3. Ostracisme est un mot grec qui vient d’ὄστρακον, test de pot de terre ou écaille. C’était un jugement en usage à Athènes, par lequel on exilait, ordinairement pour dix ans (pour cinq ans selon Diodore de Sicile), ceux qu’on croyait trop puissants, et dont on craignait le crédit et les richesses. L’ostracisme fut imaginé par les Athéniens après qu’ils eurent secoué le joug des Pisitratides ; ils se défaisait par ce moyen de ceux qu’ils croyaient capables de détruire le gouvernement populaire. Pour ces sortes de jugements, on fermait la place publique de planches, on y laissait dix portes ; le peuple