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URANIE, LIVRE VIII.

pédition ? le reste de la Grèce n’est-il pas en votre puissance ? Personne ne vous résiste, et ceux qui l’ont fait ont eu le sort qu’ils méritaient. Je vais vous dire maintenant de quelle manière tourneront, à mon avis, les affaires de vos ennemis. Si, au lieu de vous presser de combattre sur mer, vous retenez ici vos vaisseaux à la rade, ou si vous avancez vers le Péloponnèse, vous viendrez facilement à bout, seigneur, de vos projets ; car les Grecs ne peuvent pas faire une longue résistance ; vous les dissiperez, et ils s’enfuiront dans leurs villes, car ils n’ont point de vivres dans cette île, comme j’en suis bien informée ; et il n’est pas vraisemblable que, si vous faites marcher vos troupes de terre vers le Péloponnèse, les Péloponnésiens qui sont venus à Salamine y restent tranquillement ; ils ne se soucieront pas de combattre pour les Athéniens. Mais, si vous précipitez la bataille, je crains que la défaite de votre armée de mer n’entraîne encore après elle celle de vos troupes de terre. Enfin, seigneur, faites attention que les bons maîtres ont ordinairement de mauvais esclaves, et que les méchants en ont de bons. Vous êtes le meilleur de tous les princes, mais vous avez de mauvais esclaves parmi ceux que l’on compte au nombre de vos alliés, tels que les Égyptiens, les Cypriens, les Ciliciens et les Pamphiliens, peuples lâches et méprisables. »

LXIX. Les amis d’Artémise craignaient que le discours qu’elle avait tenu à Mardonius ne lui attirât quelque disgrâce de la part du roi, parce qu’elle tâchait de le détourner de combattre sur mer. Ceux qui lui portaient envie, et qui étaient jaloux de ce que ce prince l’honorait plus que tous les autres alliés, furent charmés de sa réponse, ne doutant pas qu’elle n’occasionnât sa perte. Lorsqu’on eut fait à Xerxès le rapport des avis, celui d’Artémise lui fit beaucoup de plaisir. Il regardait auparavant cette princesse comme une femme de mérite ; mais, en cette occasion, il en fit encore un plus grand éloge. Cependant il voulut qu’on suivît l’avis du plus grand nombre ; et comme il pensait que ses troupes n’avaient pas fait leur devoir de propos délibéré dans le combat près de l’Eubée, parce

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