Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 2, 1850.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
202
HISTOIRE D’HÉRODOTE.

des alliés tels que nous, vous vous souviendrez alors de mes paroles. »

LXIII. Ce discours fit changer de résolution à Eurybiades. Pour moi, je pense qu’il en changea parce qu’il craignait de se voir abandonné des Athéniens s’il menait l’armée navale à l’isthme ; car, ceux-ci venant à se séparer, le reste de la flotte n’était plus assez fort pour résister aux attaques des Barbares. Il donna donc la préférence à l’avis de Thémistocles, et il fut décidé qu’on combattrait a Salamine.

LXIV. Les capitaines de la flotte, qui jusqu’alors s’étaient harcelés de paroles, se préparèrent à combattre en cet endroit dès qu’Eurybiades en eut pris la résolution. Le jour parut, et, au moment que le soleil se levait, il y eut un tremblement de terre qu’on sentit aussi sur mer. Là-dessus on fut d’avis d’adresser des prières aux dieux, et d’appeler les Æacides au secours de la Grèce. Cette résolution prise, on fit des prières à tous les dieux ; et de Salamine même, où l’on était alors, on invoqua Ajax et Télamon, et l’on envoya un vaisseau à Égine pour en faire venir Æachus avec le reste des Æacides.

LXV. Dicéus d’Athènes, fils de Théocyde, banni, et jouissant alors d’une grande considération parmi les Mèdes, racontait que s’étant trouvé par hasard dans la plaine de Thria avec Démarate de Lacédémone, après que l’Attique, abandonnée par les Athéniens, eut éprouvé les ravages de l’armée de terre de Xerxès, il vit s’élever d’Éleusis une grande poussière qui semblait excitée par la marche d’environ trente mille hommes ; qu’étonné de cette poussière, et ne sachant à quels hommes l’attribuer, tout à coup ils entendirent une voix qui lui parut le mystique Iacchus[1].

  1. Le 20 du mois boédromion, qui était le sixième jour de la fête des mystères de Cérès, on portait du Céramique à Éleusis une figure d’Iacchus ou de Bacchus, couronnée de myrte et tenant à la main un flambeau. Pendant la marche on chantait en l’honneur du dieu un hymne qui s’appelait mystique Iacchus, et dans lequel on répétait souvent Iacche. Or c’était cet hymne que disait avoir entendu Dicéus. Cet hymne ne se chantait pas en l’honneur de Bacchus Thébain, fils de Jupiter et de Sémélé ; mais en celui de Bacchus fils de Jupiter et de Proserpine. Celui-ci était, selon Cicéron, le premier des cinq Bacchus, parmi lesquels il ne comprend pas le fils de Sémélé.