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ÉRATO, LIVRE VI.

béir au dieu. Ce discours le persuada d’autant plus aisément, qu’il était affligé de la domination de Pisistrate, et qu’il souhaitait s’éloigner de sa patrie. Il alla sur-le-champ à Delphes demander à l’oracle s’il se rendrait aux prières des Dolonces.

XXXVI. La Pythie le lui ayant aussi ordonné, Miltiade, fils de Cypsélus, qui auparavant avait remporté aux jeux olympiques le prix de la course du char à quatre chevaux, prit avec lui tous les Athéniens qui voulurent avoir part à cette expédition ; et s’étant embarqué avec eux et avec les Dolonces, il s’empara du pays, et fut mis en possession de la tyrannie par ceux qui l’avaient amené. Il commença par fermer d’un mur l’isthme de la Chersonèse, depuis la ville de Cardia jusqu’à celle de Pactye, afin d’en interdire l’entrée aux Apsinthiens, et de les empêcher de la ravager. L’isthme, en cet endroit, a trente-six stades ; et la longueur de la Chersonèse entière, à compter de l’isthme, est de quatre cent vingt.

XXXVII. Après avoir fermé le col de la Chersonèse par un mur qui la mettait à l’abri des incursions des Apsinthiens, les Lampsacéniens furent les premiers que Miltiade attaqua. Mais ils le firent prisonnier dans une embuscade qu’ils lui dressèrent. Crésus, roi de Lydie, dont il était aimé, ne l’eut pas plutôt appris, qu’il envoya ordre à ceux de Lampsaque de le relâcher, avec menaces de les détruire comme des pins, s’ils ne le faisaient pas. Les Lampsacéniens, incertains, ne comprenaient rien à la menace de ce prince[1] ; mais un vieillard qui en saisit enfin le sens, quoique avec bien de la peine, leur en donna l’explication. De tous les arbres, dit-il, le pin est le seul qui, étant une fois coupé, ne pousse plus de rejetons et périt tout à fait[2].

  1. Les Lampsacéniens comprenaient très-bien en général la menace de Crésus, mais ils étaient embarrassés sur la manière dont elle était énoncée. Pourquoi, se demandaient-ils sans doute, Crésus nomme-t-il le pin plutôt que tout autre arbre ? La difficulté ne consistait qu’en cela, et c’est cette difficulté que résout, quoique avec peine, le vieillard de Lampsaque. (L.)
  2. Ce vieillard de Lampsaque se trompait assurément. Le pin n’est pas le seul arbre qui meure lorsqu’on l’a coupé. Aulu-Gelle avait fait un chapitre exprès la-dessus ; mais nous n’en avons plus que le sommaire. Quoi qu’il en soit, cette expression était passée en proverbe. (L.)