Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 2, 1850.djvu/178

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
179
URANIE, LIVRE VIII.

ci gagné, il n’y avait plus qu’Adimante, fils d’Ocytus, commandant des Corinthiens, qui résistât, et qui voulût mettre à la voile, et partir incessamment. « Adimante, lui dit Thémistocles avec serment, vous ne nous abandonnerez point, car je vous ferai de plus grands dons que ne vous en ferait le roi des Mèdes pour vous engager à vous séparer des alliés. » Il accompagna ce discours de trois talents[1], qu’il envoya au vaisseau d’Adimante. Les généraux, ébranlés par ces présents, goûtèrent les raisons de Thémistocles, et l’on obligea les Eubéens. Thémistocles lui-même gagna beaucoup en gardant secrètement le reste de l’argent. Ceux à qui il en avait donné une partie pensaient qu’il lui était venu d’Athènes pour l’usage qu’il en fit.

VI. Ainsi les Grecs demeurèrent sur les côtes d’Eubée, et la bataille s’engagea de la manière que je vais le raconter. Les Barbares avaient ouï dire que les Grecs n’avaient qu’un petit nombre de vaisseaux à la rade d’Artémisium. Ayant reconnu, en arrivant au point du jour aux Aphètes, la vérité de ce qu’on leur avait dit, ils brûlaient d’ardeur de les attaquer, dans l’espérance de les prendre. Ils ne furent pas cependant d’avis d’aller droit à eux, de crainte que les Grecs, les voyant venir, ne prissent la fuite, et ne leur échappassent sans doute à la faveur de la nuit ; car, au compte des Perses, le porte-flambeau ne devait pas même échapper[2].

VII. Voici ce qu’ils imaginèrent pour faire réussir ce projet. Ayant fait choix de deux cents vaisseaux sur toute leur flotte, ils les envoyèrent par derrière l’île de Sciathos, avec ordre de faire le tour de l’Eubée, le long du cap Ca-

  1. 16 200 livres. Il y a dans le grec : trois talents d’argent. Il donna encore un talent à un Athénien. Ainsi il lui resta la somme de 113 400 livres.
  2. Avant qu’on fit usage de la trompette, on donnait le signal du combat avec un flambeau. Ceux qui le portaient étaient consacrés au dieu Mars. Ils s’avançaient à la tête des armées, et dans l’espace qui était entre deux, ils lâchaient leur flambeau, et se retiraient ensuite sans qu’on leur fit le moindre mal. Les armées se battaient ; et quand même toute une armée eût péri, on sauvait toujours la vie au porte-flambeau, parce qu’il était consacré au dieu Mars. De là vient le proverbe sur les défaites totales : Le porte-flambeau n’a pas même été épargné. Hérodote est le premier auteur où l’on voit cette expression, qui devint dans la suite si familière qu’elle passa en proverbe. (L.)