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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

CCVI. Les Spartiates firent d’abord partir Léonidas avec le corps de trois cents hommes qu’il commandait, afin d’engager par cette conduite le reste des alliés à se mettre en marche, et de crainte qu’ils n’embrassassent aussi les intérêts des Perses, en apprenant leur lenteur à secourir la Grèce. La fête des Carnies[1] les empêchait alors de se mettre en route avec toutes leurs forces ; mais ils comptaient partir aussitôt après, et ne laisser à Sparte que peu de monde pour la garde. Les autres alliés avaient le même dessein ; car le temps des jeux olympiques était arrivé dans ces circonstances, et comme ils ne s’attendaient pas à combattre sitôt aux Thermopyles, ils s’étaient contentés de faire prendre les devants à quelques troupes.

CCVII. Telles étaient les résolutions des Spartiates et des autres alliés. Cependant les Grecs qui étaient aux Thermopyles, saisis de frayeur à l’approche des Perses, délibérèrent s’ils ne se retireraient pas. Les Péloponnésiens étaient d’avis de retourner dans le Péloponnèse pour garder le passage de l’isthme. Mais Léonidas, voyant que les Phocidiens et les Locriens en étaient indignés, opina qu’il fallait rester ; et il fut résolu de dépêcher des courriers à toutes les villes alliées, pour leur demander du secours contre les Perses, parce qu’ils étaient en trop petit nombre pour les repousser.

CCVIII. Pendant qu’ils délibéraient là-dessus, Xerxès envoya un cavalier pour reconnaître leur nombre, et quelles étaient leurs occupations. Il avait ouï dire, tandis qu’il était encore en Thessalie, qu’un petit corps de troupes s’était assemblé dans ce passage, et que les Lacédémoniens, commandés par Léonidas, de la race d’Hercule, étaient à leur tête. Le cavalier s’étant approché de l’armée, l’exa-

  1. Les Carnies se célébraient pendant neuf jours à Sparte, en l’honneur d’Apollon. Cette fête fut instituée dans la vingt-sixième olympiade, selon Sosime, dans sa Chronique citée par Athénee. « Tous les Doriens avaient une vénération particulière pour Apollon Carnien. Elle tire son origine de Carnus, qui était d’Acarnanie, et qui avait reçu d’Apollon le don de la divination. Ayant été tué par Hippotès, fils de Phylas, Apollon fit éprouver sa colère aux Doriens dans leur camp. Hippotès fut banni pour ce meurtre : et depuis ce temps-là les Doriens résolurent d’apaiser les mânes du devin d’Acarnanie. » (L.)