Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 2, 1850.djvu/156

Cette page a été validée par deux contributeurs.
157
POLYMNIE, LIVRE VII.

CXCII. Les héméroscopes, accourant des hauteurs de l’Eubée le second jour après le commencement de la tempête, firent part aux Grecs de tout ce qui était arrivé dans le naufrage. Ceux-ci n’en eurent pas plutôt eu connaissance, qu’après avoir fait des libations à Neptune Sauveur, et lui avoir adressé des vœux, ils retournèrent à la hâte à l’Artémisium, dans l’espérance de n’y trouver qu’un petit nombre de vaisseaux ennemis. Ainsi les Grecs allèrent pour la seconde fois à l’Artémisium, s’y tinrent à la rade, et donnèrent depuis ce temps à Neptune le surnom de Sauveur, qu’il conserve encore maintenant.

CXCIII. Le vent étant tombé et les vagues apaisées, les Barbares remirent les vaisseaux en mer et côtoyèrent le continent. Lorsqu’ils eurent doublé le promontoire de Magnésie, ils allèrent droit au golfe qui mène à Pagases. Dans ce golfe de la Magnésie est un lieu où l’on dit que Jason et ses compagnons qui montaient le navire Argo[1], et qui allaient à Æa en Colchide conquérir la toison d’or, abandonnèrent Hercule, qu’on avait mis à terre pour aller chercher de l’eau. Comme les Argonautes se remirent en mer en cet endroit, et qu’ils en partirent après avoir fait leur provision d’eau, il en a pris le nom d’Aphètes. Ce fut dans ce même lieu que la flotte de Xerxès vint mouiller.

CXCIV. Quinze vaisseaux de cette flotte, restés bien loin derrière les autres, aperçurent les Grecs à Artémisium, et, les prenant pour leur armée navale, ils vinrent donner au milieu d’eux. Ce détachement était commandé par Sandoces, fils de Thaumasias, gouverneur de Cyme en Éolie. Il avait été un des juges royaux ; et Darius l’avait fait autrefois mettre en croix, parce qu’il avait rendu pour de l’argent un jugement injuste. Il était déjà en croix, lorsque ce prince, venant à réfléchir que les services qu’il

  1. Ce fut, au rapport du scoliaste d’Apollonius Rhodius, le premier vaisseau long qui ait été construit. La navigation devait être cependant connue des Grecs ; mais comme l’expédition de Colchos fut le premier voyage considérable entrepris par ce peuple, et que le vaisseau construit à cette occasion fut le plus grand qu’on eût vu jusqu’alors en Grèce, on fit remonter à cette époque l’origine de la navigation. Les Tyriens faisaient cependant, depuis longtemps, des voyages de long cours, et on leur attribue communément l’invention de la navigation. (L.)

ii.14