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POLYMNIE, LIVRE VII.

coucher du soleil. L’on assure qu’elle dura tout ce temps-là. Amilcar, resté dans le camp pendant l’action, immolait des victimes, dont les entrailles lui promettaient d’heureux succès, et les brûlait tout entières sur un vaste bûcher. Mais s’étant aperçu, pendant qu’il était occupé à faire des libations sur les victimes, que ses troupes commençaient à prendre la fuite, il se jeta lui-même dans le feu, et, bientôt dévoré par les flammes, il disparut entièrement. Enfin, soit qu’il ait disparu de cette manière, comme le racontent les Phéniciens, soit d’une autre, comme le rapportent les Syracusains, les Carthaginois lui offrent des sacrifices, et lui ont élevé des monuments dans toutes les villes où ils ont établi des colonies, dont le plus grand est à Carthage. Mais en voilà assez sur les affaires de Sicile.

CLXVIII. Les ambassadeurs qui avaient été en Sicile tâchèrent aussi d’engager les Corcyréens à prendre le parti de la Grèce, et leur firent les mêmes demandes qu’à Gélon. Les Corcyréens répondirent d’une façon et agirent d’une autre. Ils promirent sur-le-champ d’envoyer des troupes à leur secours, ajoutant qu’ils ne laisseraient pas périr la Grèce par leur négligence, puisque, si elle venait à succomber, ils se verraient eux-mêmes réduits au premier jour à une honteuse servitude ; mais qu’ils la secourraient de toutes leurs forces. Cette réponse était spécieuse. Mais quand il fallut en venir aux effets, comme ils avaient d’autres vues, ils équipèrent soixante vaisseaux et, ne les ayant fait partir qu’avec peine, ils s’approchèrent du Péloponnèse et jetèrent l’ancre près de Pylos et de Ténare, sur les côtes de la Laconie, dans la vue d’observer quels seraient les événements de la guerre. Car, loin d’espérer que les Grecs remportassent la victoire, ils pensaient que le roi, dont les forces étaient de beaucoup supérieures, subjuguerait la Grèce entière. Ils agissaient ainsi de dessein prémédité, afin de pouvoir tenir ce langage au roi : « Seigneur, devaient-ils lui dire, les Grecs nous ont engagés à les secourir dans cette guerre. Mais quoique nous ayons des forces considérables, et un plus grand nombre de vaisseaux, du moins après les Athéniens, qu’aucun autre État de la Grèce, nous n’avons pas voulu nous opposer à

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