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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

seul contre dix hommes ? Si vos concitoyens sont tels que vous l’avancez, vous, qui êtes leur roi, vous devez, selon vos lois, entrer en lice contre le double ; car si un seul Lacédémonien vaut dix hommes de mon armée, vous en pouvez combattre vingt, et vos discours seront alors conséquents. Mais si ces Grecs que vous me vantez tant vous ressemblent, si leur taille n’est pas plus avantageuse que la vôtre ou celle des Grecs avec qui je me suis entretenu, j’ai bien peur qu’il n’y ait dans ce propos beaucoup de vaine gloire et de jactance. Faites-moi donc voir d’une manière probable comment mille hommes, ou dix mille, ou cinquante mille, du moins tous également libres et ne dépendant point d’un maître, pourraient résister à une si forte armée. Car enfin s’ils sont cinq mille hommes, nous sommes plus de mille contre un. S’ils avaient, selon nos usages, un maître, la crainte leur inspirerait un courage qui n’est pas dans leur caractère, et, contraints par les coups de fouet, ils marcheraient, quoiqu’en petit nombre, contre des troupes plus nombreuses. Mais, étant libres et ne dépendant que d’eux-mêmes, ils n’auront[1] jamais plus de courage que la nature ne leur en a donné, et ils n’attaqueront point des forces plus considérables que les leurs. Je pense même que s’ils nous étaient égaux en nombre, il ne leur serait pas aisé de combattre contre les seuls Perses. En effet, c’est parmi nous qu’on trouve des exemples de cette valeur ; encore y sont-ils rares et en petit nombre. Car il y a parmi mes gardes des Perses qui se battraient contre trois Grecs à la fois[2] ; et vous ne débitez à leur sujet tant de sottises que parce que vous ne les avez jamais éprouvés. »

CIV. « Seigneur, répliqua Démarate, je savais bien, en commençant ce discours, que la vérité ne vous plairait

  1. Il y a seulement dans le grec : Ils ne feraient ni l’un ni l’autre.
  2. Cette fanfaronnade de Xerxès fut dans la suite punie par Polydamas. Darius, fils naturel d’Artaxerxès, et qui monta sur le trône par la faveur des Perses, avait entendu parler de sa force extraordinaire. L’ayant attiré à Suses par ses promesses, Polydamas défia trois de ces hommes que les Perses appellent Immortels, combattit seul contre ces trois hommes, et les tua. (L.)