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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

reposait ce héros. Voici la réponse de la Pythie : « Dans les plaines de l’Arcadie est une ville (on la nomme Tégée). La puissante nécessité y fait souffler deux vents. L’on y voit le type et l’anti-type, le mal sur le mal. C’est là que le sein fécond de la terre enferme le fils d’Agamemnon. Si tu fais apporter ses ossements à Sparte, tu seras vainqueur de Tégée. »

Sur cette réponse, les Lacédémoniens se livrèrent avec encore plus d’ardeur aux recherches les plus exactes, furetant de tous côtés, jusqu’à ce qu’enfin Lichas, un des Spartiates appelés agathoerges, en fit la découverte. Les agathoerges sont toujours les plus anciens chevaliers à qui on a donné leur congé[1]. Tous les ans on le donne à cinq, et, l’année de leur sortie, ils vont partout où les envoie la république, sans s’arrêter autre part.

LXVIII. De cet ordre était Lichas, qui fit à Tégée la découverte du tombeau d’Oreste, autant par hasard que par son habileté. Le commerce étant alors rétabli avec les Tégéates, il entra chez un forgeron, où il regarda battre le fer. Comme cela lui causait de l’admiration, le forgeron, qui s’en aperçut, interrompt son travail et lui dit : « Lacédémonien, vous auriez été bien plus étonné si vous aviez vu la même merveille que moi, vous pour qui le travail d’une forge est un sujet de surprise ! Creusant un puits dans cette cour, je trouvai un cercueil de sept coudées de long. Comme je ne pouvais me persuader qu’il eût jamais existé des hommes plus grands que ceux d’aujourd’hui, je l’ouvris. Le corps que j’y trouvai égalait la longueur du cercueil. Je l’ai mesuré, puis recouvert de terre. » Lichas, faisant réflexion sur ce récit du forgeron, qui lui racontait ce qu’il avait vu, se douta que ce devait-être le corps d’Oreste, indiqué par l’oracle. Ses conjectures lui montrèrent dans les deux soufflets les deux vents ; dans le marteau et l’enclume, le type et l’anti-type ; et le fer battu sur l’enclume le mal ajouté sur le mal, parce que le fer n’avait été découvert, suivant lui, que pour le malheur des hommes.

  1. Suidas se trompe en disant qu’on les prenait parmi les éphores. Hérodote est plus croyable.