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CLIO, LIVRE I.

envoya à Naxos ; car il avait conquis cette île, et en avait donné le gouvernement à Lygdamis. Il l’affermit enfin en purifiant l’île de Délos[1], suivant l’ordre des oracles. Voici comment se fit cette purification : de tous les lieux d’où l’on voyait le temple, il fit exhumer les cadavres, et les fit transporter dans un autre canton de l’île. Pisistrate eut d’autant moins de peine à établir sa tyrannie sur les Athéniens, que les uns avaient été tués dans le combat, et que les autres avaient abandonné leur patrie et s’étaient sauvés avec Mégaclès.

LXV. Tels étaient les embarras où Crésus apprit que se trouvaient alors les Athéniens. Quant aux Lacédémoniens, on lui dit que, après avoir éprouvé des pertes considérables, ils prenaient enfin le dessus dans la guerre contre les Tégéates. En effet, sous le règne de Léon et d’Agasiclès, les Lacédémoniens, vainqueurs dans leurs autres guerres, avaient échoué contre les seuls Tégéates. Longtemps auparavant ils étaient les plus mal policés de presque tous les Grecs, et n’avaient aucun commerce avec les étrangers, ni même entre eux ; mais dans la suite ils passèrent de la manière que je vais dire à une meilleure législation. Lycurgue jouissait à Sparte de la plus haute estime. Arrivé à Delphes pour consulter l’oracle, à peine fut-il entré dans le temple, qu’il entendit ces mots de la Pythie : « Te voilà dans mon temple engraissé de victimes, ami de Jupiter et des habitants de l’Olympe. Mon oracle incertain balance s’il te déclarera un dieu ou un homme ; je te crois plutôt un dieu. » Quelques-uns ajoutent que la Pythie lui dicta aussi les lois qui s’observent maintenant à Sparte ; mais, comme les Lacédémoniens en conviennent eux-mêmes, ce fut Lycurgue qui apporta ces lois de Crète, sous le règne de Léobotas son neveu, roi de Sparte. En effet, à peine eut-il la tutelle de ce jeune prince, qu’il ré-

  1. Ce tyran n’entreprit cette purification que comme un moyen d’affermir sa tyrannie. Il fallait qu’il y eût un oracle qui eût promis une grande puissance et beaucoup de prospérité à quiconque entreprendrait de purifier cette île. Hérodote ne rapporte point l’oracle, et je ne crois pas même qu’on puisse le trouver ailleurs, mais il n’est pas moins certain, par ce qu’en dit Hérodote, que Pisistrate crut devoir l’accomplir, persuadé que de là dépendaient l’affermissement de sa puissance et la tranquille possession de ses États.

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