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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

des Tyrrhéniens et qui jadis, voisins des Doriens d’aujourd’hui, habitaient la terre appelée maintenant Thessaliotide ; si à ces Pélasges on ajoute ceux qui ont fondé Placie et Scylacé sur l’Hellespont, et qui ont demeuré autrefois avec les Athéniens, et les habitants d’autres villes pélasgiques dont le nom s’est changé ; il résulte de ces conjectures, si l’on peut s’en autoriser, que les Pélasges parlaient une langue barbare[1]. Or, si tel était l’idiome de toute la nation, il s’ensuit que les Athéniens, Pélasges d’origine, oublièrent leur langue en devenant Hellènes, et qu’ils apprirent celle de ce dernier peuple ; car le langage des Crestoniates et des Placiens, qui est le même, n’a rien de commun avec celui d’aucuns de leurs voisins : preuve évidente que ces deux peuplades de Pélasges conservent encore de nos jours l’idiome qu’elles portèrent dans ces pays en venant s’y établir.

LVIII. Quant à la nation hellénique, depuis son origine elle a toujours parlé la même langue ; du moins cela me paraît ainsi. Faible, séparée des Pélasges, et tout à fait petite dans son commencement, elle est devenue aussi considérable que plusieurs autres nations, principalement depuis qu’un grand nombre de peuples barbares se sont incorporés avec elle ; et c’est, indépendamment des autres raisons, ce qui, à mon avis, a empêché l’agrandissement des Pélasges, qui étaient barbares.

LIX. Crésus apprit que les Athéniens, l’un de ces peuples, partagés en diverses factions, étaient sous le joug de Pisistrate, fils d’Hippocrates, alors tyran d’Athènes. Hippocrates était un simple particulier[2]. Il lui arriva aux jeux olympiques un prodige mémorable : il avait offert un sa-

  1. Les Pélasges étaient originaires du Péloponnèse, et descendaient de Pélasgus. Ceux d’entre eux qui se transportèrent hors de la Grèce, ne s’étant pas incorporés avec les Hellènes, furent regardés par eux comme des barbares, c’est-à-dire comme des étrangers. Les Hellènes, ayant chassé les Pélasges de la plus grande partie de la Grèce, proscrivirent l’ancien langage, et y introduisirent le leur. (L.)
  2. C’est-à-dire qu’il n’occupait alors aucune place dans l’État. Il était de la naissance la plus distinguée, et descendait de Pélée, ainsi que Nestor. Codrus, qui régna à Athènes, était de la même maison. (Voyez Hérodote, liv. v, § lxv.)