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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

de l’un ni de l’autre de ces deux bassins. À ces dons Crésus en ajouta plusieurs autres de moindre prix ; par exemple, des plats d’argent de forme ronde, et une statue d’or de trois coudées de haut, représentant une femme. Les Delphiens disent que c’est celle de sa boulangère. Il y fit aussi porter les colliers et les ceintures de la reine sa femme. Tels sont les présents qu’il fit à Delphes[1].

LII. Quant à Amphiaraüs, sur ce qu’il apprit de son mérite et de ses malheurs, il lui consacra un bouclier d’or massif, avec une pique d’or massif, c’est-à-dire dont la hampe était d’or ainsi que le fer. De mon temps on voyait encore l’un et l’autre à Thèbes, dans le temple d’Apollon Isménien.

LIII. Les Lydiens chargés de porter ces présents aux oracles de Delphes et d’Amphiaraüs avaient ordre de leur demander si Crésus devait faire la guerre aux Perses, et joindre à son armée des troupes auxiliaires. À leur arrivée, les Lydiens présentèrent les offrandes, et consultèrent les oracles en ces termes : « Crésus, roi des Lydiens et autres nations, persuadé que vous êtes les seuls véritables oracles qu’il y ait dans le monde, vous envoie ces présents, qu’il croit dignes de votre habileté. Maintenant il vous demande s’il doit marcher contre les Perses, et s’il doit joindre à son armée des troupes auxiliaires. » Ce furent là les demandes des députés. Les deux oracles s’accordèrent dans leurs réponses. Ils prédirent l’un et l’autre à ce prince que, s’il entreprenait la guerre contre les Perses, il détruirait un grand empire, et lui conseillèrent de rechercher l’amitié des États de la Grèce qu’il aurait reconnus pour les plus puissants.

LIV. Crésus, charmé de ces réponses, et concevant l’espoir de renverser l’empire de Cyrus, envoya de nouveau des députés à Pytho, pour distribuer à chacun des habitants (il en savait le nombre) deux statères[2] d’or par tête. Les Delphiens accordèrent par reconnaissance à Crésus et

  1. L’abbé Barthélemy a donné le catalogue de ces présents, dont la valeur totale était de 21 100 140 francs de notre monnaie. (Voyage d’Anacharsis, t. ii, p. 603.)
  2. Environ quarante-six francs.