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TERPSICHORE, LIVRE V.

sortir secrètement du pays. Cet événement déconcerta totalement les mesures des tyrans. Pour avoir leurs enfants, ils se soumirent aux conditions que leur imposèrent les Athéniens, et s’engagèrent à sortir de l’Attique dans cinq jours. Ils se retirèrent ensuite à Sigée, ville sur le Scamandre, après avoir gouverné trente-six ans les Athéniens.

Ils étaient Pyliens d’origine, de la famille de Nélée, et avaient les mêmes ancêtres que Codrus et Mélanthus, qui avaient régné autrefois à Athènes quoique étrangers. Hippocrate donna à son fils le nom de Pisistrate parce qu’un des fils de Nestor l’avait porté, et afin de perpétuer le souvenir de cette origine. C’est ainsi que les Athéniens furent délivrés de leurs tyrans. Je vais maintenant rapporter ce qu’il y eut de plus mémorable parmi les événements heureux ou malheureux qui arrivèrent à ces mêmes Athéniens après qu’ils eurent recouvré leur liberté, et avant que l’Ionie eût secoué le joug de Darius, et qu’Aristagoras de Milet fût venu les prier de lui donner du secours.

LXVI. Athènes, déjà très-puissante, le devint encore plus lorsqu’elle fut délivrée de ses tyrans. Deux de ses citoyens y jouissaient alors d’un grand crédit : Clisthène, de la race des Alcméonides, qui suborna, à ce qu’on prétend, la Pythie, et Isagoras, fils de Tissandre. Celui-ci était d’une maison illustre : je ne puis rien dire cependant sur son origine ; mais ceux de cette famille sacrifient à Jupiter Carien[1]. Ces deux rivaux partageaient l’État par leurs actions, et se disputaient l’autorité. Clisthène, ayant eu du désavantage, tâcha de se rendre le peuple favorable ; bientôt après, il partagea les quatre tribus en dix, changea

  1. Les Cariens étaient extrêmement méprisés, et on les regardait comme de vils esclaves, parce qu’ils avaient les premiers donné des troupes pour de l’argent. Aussi les exposait-on dans les occasions les plus périlleuses. De là était venu le proverbe rapporté par Pausanias dans son Lexique, ἐν Καρέ τὸν κίνδυνον, pour signifier qu’on voulait faire une épreuve périlleuse, en se servant d’un homme vil. Ces peuples avaient un temple qui leur était commun avec les Lydiens et les Mysiens, qui étaient leurs frères ; on l’appelait le temple de Jupiter Carien. Ceux qui sacrifiaient à Jupiter Carien se reconnaissant pour être originaires de Carie. Ainsi, en disant qu’Isagoras offrait des sacrifices à Jupiter Carien, c’était le faire passer pour être d’une famille carienne et esclave.