Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 1, 1850.djvu/421

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
422
HISTOIRE D’HÉRODOTE.

les sénateurs, lui dirent : « Puisque vous avez tant d’attachement pour votre femme, suivez l’avis que nous allons vous proposer, de crainte que, par votre résistance, vous ne forciez les Spartiates à prendre contre vous quelque fâcheuse résolution. Nous ne vous pressons plus de renvoyer votre femme, ayez pour elle les mêmes égards ; mais épousez-en encore une autre, dont vous puissiez avoir des enfants. » Anaxandrides y consentit. Il eut après cela deux femmes et deux maisons, contre les usages de Sparte[1].

XLI. Peu de temps après, la seconde femme étant accouchée de Cléomène, dont nous parlons, elle le présenta aux Spartiates comme l’héritier présomptif de la couronne. La première femme, qui avait été auparavant stérile, ayant aussi conçu vers ce temps-là, voici ce qui lui arriva. Elle était réellement enceinte ; mais les parents de la seconde femme, alarmés de cette nouvelle, répandirent dans le public qu’elle faisait courir ces vains bruits dans le dessein de supposer un enfant. Comme ils en témoignaient leur indignation, et que le temps pressait, les éphores, qui se défiaient d’elle, l’environnèrent et la gardèrent à vue pendant qu’elle accouchait. Elle eut d’abord Doriée, puis Léonidas, et ensuite Cléombrote. Quelques-uns disent aussi que Léonidas et Cléombrote étaient jumeaux. Quant à la seconde femme, qui fut mère de Cléomène, et qui était fille de Prinétades et petite-fille de Démarménès, elle n’eut plus d’autre enfant.

XLII. On dit que Cléomène n’avait pas l’esprit bien sain, et même qu’il était furieux. Doriée, au contraire, se distinguait parmi tous les jeunes gens de son âge, et se persuadait que son courage et son mérite l’élèveraient au trône. Plein de cette idée, il fut irrité de ce que les Lacédémoniens avaient, après la mort d’Anaxandrides, nommé, suivant les lois, Cléomène, qui était son aîné. Ne voulant

  1. Saint Clément d’Alexandrie dit cependant qu’on infligeait, à Lacédémone, des peines aux monogames ; mais Cragius conjecture avec raison qu’il faut lire κακογαμίου, et la défense alors regardera seulement les degrés de parenté : car il y en avait chez ce peuple où les mariages étaient interdits. (L.)