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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

ils entonnaient le Pæon[1], lorsque les Pæoniens, conjecturant que c’était cela même qu’avait voulu faire entendre le dieu, se dirent les uns aux autres : L’oracle est accompli, faisons actuellement notre devoir ; et sur-le-champ ils les attaquèrent tandis qu’ils chantaient le Pæon, et les taillèrent en pièces, de manière qu’il en réchappa très-peu.

II. Tel fut l’avantage que les Pæoniens avaient auparavant remporté sur ces peuples ; mais en cette occasion-ci les Périnthiens combattirent généreusement pour leur liberté contre Mégabyse, qui ne dut la victoire qu’au nombre de ses troupes. Périnthe soumise, Mégabyse parcourut la Thrace avec son armée, en subjugua toutes les villes et tous les peuples, et les façonna au joug, suivant les ordres qu’il en avait reçus de Darius.

III. Les Thraces sont, du moins après les Indiens, la nation la plus nombreuse de la terre. S’ils étaient gouvernés par un seul homme, ou s’ils étaient bien unis entre eux, ils seraient, à mon avis, le plus puissant de tous les peuples ; mais cette union est impraticable, et c’est cela même qui les rend faibles. Ils ont chacun un nom différent, suivant les différents cantons qu’ils occupent : cependant leurs lois et leurs usages sont en tout à peu près les mêmes, excepté chez les Gètes, les Trauses[2], et ceux qui habitent au-dessus des Crestoniens.

IV. J’ai parlé ailleurs[3] des coutumes des Gètes, qui se disent immortels : quant à celles des Trauses, elles ressemblent parfaitement aux usages du reste des Thraces, excepté en ce qui regarde les enfants nouveau-nés et les morts. Lorsqu’il naît chez eux un enfant, ses parents, assis autour de lui, font une énumération de tous les maux auxquels la nature humaine est sujette, et gémis-

  1. Le Pæon ou Pæan était un hymne dont il y avait deux sortes. Le premier se chantait avant la bataille, en l’honneur de Mars ; le second, après la victoire, en celui d’Apollon. Cet hymne commençait par ces mots : to Pæan. L’allusion de Pæon, nom de cet hymne, au nom des Pæoniens, est sensible, et c’est pour la conserver que j’ai traduit : Ils chantaient le Pæon. (L.)
  2. Hésychius prétend que c’est une nation scythe. Étienne de Byzance dit que ce sont les mêmes peuples que les Agathyrses : il se trompe, car Hérodote, qui a parlé de ces derniers, n’aurait pas manqué d’en faire la remarque si cette opinion eût eu quelque fondement. (L.)
  3. Liv. iv § xciii, xciv, xcv et xcvi.