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MELPOMÈNE, LIVRE IV.

pays, on avait dessein de leur donner une entière satisfaction. Après quoi Histiée répondit aux Scythes, au nom du conseil :

« Scythes, votre avis est salutaire, et vous nous pressez fort à propos. Comme vous nous montrez la vraie route que nous devons suivre, nous vous ferons voir aussi que nous sommes disposés à vous servir : nous rompons en effet le pont, comme vous le voyez, et nous nous porterons avec ardeur à recouvrer notre liberté. Pour vous, pendant que nous sommes occupés à détruire ce pont, il est à propos que vous alliez chercher les Perses, et qu’après les avoir trouvés, vous nous vengiez, en vous vengeant vous-mêmes comme il convient. »

CXL. Les Scythes, se fiant pour la seconde fois aux Ioniens, rebroussèrent chemin pour aller chercher les Perses ; mais ils prirent une autre route, et les manquèrent. Ce fut leur faute, puisqu’ils avaient détruit les foins, et bouché les fontaines de ce côté. Sans ce dégât, il leur aurait été aisé de trouver les Perses, s’ils l’eussent voulu. Le parti qu’ils avaient cru le plus avantageux fut alors la cause de leur méprise. Ils cherchèrent l’ennemi dans les cantons de la Scythie où il y avait de l’eau et des fourrages pour les chevaux, persuadés qu’il s’enfuyait de ce côté. Mais les Perses suivaient l’ancienne route qu’ils avaient observée ; et cependant ils eurent bien de la peine à gagner l’endroit où ils avaient traversé le fleuve. Y étant arrivés de nuit, et trouvant le pont rompu, ils craignirent que les Ioniens ne les eussent abandonnés.

CXLI. Darius avait dans son armée un Égyptien d’une voix extrêmement sonore ; il lui commanda de se tenir sur les bords de l’Ister, et d’appeler Histiée de Milet. Aux premiers cris de l’Égyptien, Histiée mit sur-le-champ tous les vaisseaux en état de passer l’armée, et rétablit le pont.

CXLII. Les Perses échappèrent par ce moyen ; et les Scythes, qui les cherchaient, les manquèrent pour la seconde fois. C’est à cette occasion que ceux-ci disent des Ioniens qu’à les considérer comme libres, ce sont les plus vils et les plus lâches de tous les hommes ; et que si on les envisage comme esclaves, ce sont les esclaves les