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MELPOMÈNE, LIVRE IV.

depuis notre arrivée je la connais mieux, en voyant de quelle manière ils se jouent de nous. Ainsi je suis d’avis qu’aussitôt que la nuit sera venue, on allume des feux dans le camp, selon notre coutume, et qu’après avoir engagé par des propos trompeurs la partie de l’armée la moins propre aux fatigues à y rester, et qu’après avoir attaché ici tous les ânes, nous partions avant que les Scythes aillent droit à l’Ister pour en rompre le pont, et avant que les Ioniens prennent une résolution capable de nous faire périr. »

CXXXV. Darius suivit le conseil de Gobryas. Dès que la nuit fut venue, il laissa dans le camp les malades avec ceux qu’il se souciait le moins de perdre. Il y fit aussi attacher tous les ânes, afin que leurs cris se fissent entendre. Quant aux hommes, il les y laissait sous prétexte de garder le camp, tandis qu’avec la fleur de ses troupes il irait en personne attaquer l’ennemi, mais, en effet, parce qu’ils étaient faibles ou malades. Ayant persuadé ces malheureux, il fit allumer des feux, et marcha en grande diligence vers l’Ister. Les ânes, se voyant dans une espèce de solitude, se mirent à braire beaucoup plus fort qu’auparavant. Les Scythes, entendant leurs cris, crurent les Perses toujours dans leur camp.

CXXXVI. Quand le jour parut, les soldats que Darius avait abandonnés, se voyant trahis, tendirent les mains aux Scythes, et leur dirent tout ce que leur situation put leur suggérer. Là-dessus les deux parties des Scythes, s’étant réunies promptement à la troisième, coururent après les Perses droit à l’Ister, avec les Sauromates, les Budins et les Gélons. Mais comme la plus grande partie de l’armée perse consistait en infanterie, et qu’elle ne savait pas les chemins, parce qu’il n’y en avait pas de tracés, et qu’au contraire les Scythes étaient à cheval, et qu’ils connaissaient la route la plus courte, ils ne purent se rencontrer. Les Scythes arrivèrent au pont de l’Ister longtemps avant les Perses ; et, sachant qu’ils n’étaient point encore venus, ils s’adressèrent ainsi aux Ioniens, qui étaient sur leurs vaisseaux :

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