Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 1, 1850.djvu/349

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
350
HISTOIRE D’HÉRODOTE.

palais, dont j’ai fait mention un peu auparavant. C’était un édifice superbe et d’une vaste étendue, autour duquel on voyait des sphinx et des griffons de marbre blanc. Le dieu le frappa de ses traits, et il fut entièrement réduit en cendres. Scylès n’en continua pas moins la cérémonie qu’il avait commencée. Les Scythes reprochent aux Grecs leurs bacchanales, et pensent qu’il est contraire à la raison d’imaginer un dieu qui pousse les hommes à des extravagances. Lorsque Scylès eût été initié aux mystères de Bacchus, un habitant de Borysthène se rendit secrètement à l’armée des Scythes : « Vous vous moquez de nous, leur dit-il, parce qu’en célébrant les bacchanales, le dieu se rend maître de nous. Ce dieu s’est aussi emparé de votre roi ; Scylès célèbre Bacchus, et le dieu l’agite et trouble sa raison. Si vous ne voulez pas m’en croire, suivez-moi, et je vous le montrerai. » Les premiers de la nation le suivirent. Le Borysthénite les plaça secrètement dans une tour, d’où ils virent passer Scylès avec sa troupe, célébrant les bacchanales. Les Scythes, regardant cette conduite comme quelque chose de très-affligeant pour leur nation, firent, en présence de toute l’armée, le rapport de ce qu’ils venaient de voir.

LXXX. Scylès étant parti après cela pour retourner chez lui, ses sujets se révoltèrent, et proclamèrent en sa place Octamasades, son frère, fils de la fille de Térès. Ce prince, ayant appris cette révolte, et quel en était le motif, se réfugia en Thrace. Sur cette nouvelle, Octamasades, à la tête d’une armée, le poursuivit dans sa retraite. Quand il fut arrivé sur les bords de l’Ister, les Thraces vinrent à sa rencontre. Mais comme on était sur le point de donner bataille, Sitalcès envoya un héraut à Octamasades, avec ordre de lui dire : « Qu’est-il besoin de tenter, l’un et l’autre, le hasard d’un combat ? Vous êtes fils de ma sœur, et vous avez mon frère en votre puissance : si vous me le rendez, je vous livrerai Scylès, et nous ne nous exposerons point au sort d’une bataille. » Le frère de Sitalcès s’était en effet réfugié auprès d’Octamasades.

Ce prince accepta l’offre, remit son oncle maternel entre les mains de Sitalcès, et reçut en échange son frère Scy-