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THALIE, LIVRE III.

détrôné le mage, et lui recommanda d’exécuter tout ce dont Syloson le prierait. Otanes se rendit sur les bords de la mer, où il fit embarquer ses troupes.

CXLII. Mæandrius, fils de Mæandrius, avait alors la puissance souveraine dans l’île de Samos ; Polycrate lui en avait confié la régence. Il voulut se montrer le plus juste de tous les hommes ; mais les circonstances ne le lui permirent pas. Quand il eut appris la mort de Polycrate, il érigea d’abord un autel à Jupiter Libérateur, et traça autour de cet autel l’aire sacrée qu’on voit encore aujourd’hui dans le faubourg de Samos. Ensuite il convoqua une assemblée de tous les citoyens, et leur tint ce discours : « Vous savez, Samiens, que Polycrate m’a confié son sceptre avec son autorité, et qu’aujourd’hui il ne tient qu’à moi de conserver l’empire sur vous. Mais, autant que je le pourrai, je ne ferai jamais ce que je condamne dans les autres. J’ai blâmé Polycrate de s’être rendu maître de ses égaux, et je n’approuverai jamais la même conduite dans un autre. Mais enfin il a rempli sa destinée. Quant à moi, je me démets de la puissance souveraine, et je rétablis l’égalité. Accordez-moi seulement, je vous prie, par une sorte de distinction que je crois juste, six talents[1] de l’argent de Polycrate. Permettez encore que je me réserve, à moi et à mes descendants, à perpétuité, le sacerdoce de Jupiter Libérateur, à qui j’ai élevé un autel, et je vous rends votre ancienne liberté. »

Telles furent les demandes et les promesses de Mæandrius ; mais un Samien, se levant du milieu de l’assemblée, lui dit : « Vous ne méritez pas de nous commander, vous qui avez toujours été un méchant et un scélérat. Il faut bien plutôt vous faire rendre comte de l’argent que vous avez eu en maniement. » Celui qui parla de la sorte s’appelait Télésarque ; il jouissait d’une grande considération parmi ses concitoyens.

CXLIII. Mæandrius, faisant réflexion que s’il se dépouillait de l’autorité souveraine, quelqu’un s’en emparerait

  1. 32 400 livres.