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THALIE, LIVRE III.

délivra, et les ramena à Darius. La reconnaissance avait disposé ce prince à lui accorder toutes ses demandes. Gillus lui raconta sa disgrâce, et le pria de le faire rétablir à Tarente. Mais, pour ne pas jeter l’épouvante et le trouble dans la Grèce, comme cela n’aurait pas manqué d’arriver si l’on eût envoyé à cause de lui une flotte considérable en Italie, il dit que les Cnidiens suffiraient seuls pour le rétablir dans sa patrie, et qu’étant amis des Tarentins, il était persuadé qu’à leur sollicitation on ne ferait nulle difficulté de lui accorder son rappel. Darius le lui promit ; et, sans différer plus longtemps, il envoya un exprès à Cnide, avec ordre aux Cnidiens de ramener Gillus à Tarente. Les Cnidiens obéirent ; mais ils ne purent rien obtenir des Tarentins, et ils n’étaient point assez puissants pour employer la force. C’est ainsi que les choses se passèrent. Ces Perses sont les premiers qui soient venus d’Asie en Grèce pour reconnaître le pays.

CXXXIX. Après ces événements, Darius prit Samos. De toutes les villes, tant grecques que barbares, celle-ci fut la première qu’il attaqua, pour les raisons que je vais dire. Beaucoup de Grecs avaient suivi Cambyse, fils de Cyrus, dans son expédition en Égypte ; les uns, comme on peut le croire, pour trafiquer, d’autres pour servir, et quelques-uns aussi par curiosité et pour voir le pays. Du nombre de ces derniers fut Syloson, banni de Samos, fils d’Æacès et frère de Polycrate. Il lui arriva une aventure qui contribua à sa fortune. Se promenant un jour sur la place de Memphis, un manteau d’écarlate sur les épaules, Darius, qui n’était alors qu’un simple garde du corps de Cambyse, et qui ne jouissait pas encore d’une grande considération, l’aperçut et eut envie de son manteau. Il s’approcha de cet étranger, et le pria de le lui vendre. Syloson, remarquant que Darius en avait une envie extrême, lui répondit, comme inspiré de quelque dieu : « Pour quelque prix que ce soit, je ne veux point le vendre ; mais, puisqu’il faut que les choses soient ainsi, j’aime mieux vous en faire présent. » Darius loua sa générosité, et accepta le manteau.

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