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CLIO, LIVRE I.

sur la place publique. Il commanda ensuite aux Milésiens de se livrer aux plaisirs de la table au signal qu’il leur donnerait.

XXII. Thrasybule publia ces ordres, afin que le héraut, voyant un si grand amas de blé, et que les habitants ne songeaient qu’à leurs plaisirs, en rendît compte à Alyattes ; ce qui ne manqua pas d’arriver. Le héraut, témoin de l’abondance qui régnait à Milet, s’en retourna à Sardes aussitôt qu’il eut communiqué à Thrasybule les ordres qu’il avait reçus du roi de Lydie ; et ce fut là, comme je l’ai appris, la seule cause qui rétablit la paix entre ces deux princes. Alyattes s’était persuadé que la disette était très-grande à Milet, et que le peuple était réduit à la dernière extrémité. Il fut bien surpris, au retour du héraut, d’apprendre le contraire. Quelque temps après, ces deux princes firent ensemble un traité, dont les conditions furent qu’ils vivraient comme amis et alliés. Au lieu d’un temple, Alyattes en fit bâtir deux à Minerve dans Assésos, et il recouvra la santé. C’est ainsi que les choses se passèrent dans la guerre qu’Alyattes fit à Thrasybule et aux Milésiens.

XXIII. Ce Périandre, qui donna avis à Thrasybule de la réponse de l’oracle, était fils de Cypsélus ; il régnait à Corinthe. Les habitants de cette ville racontent qu’il arriva de son temps une aventure très-merveilleuse dont il fut témoin, et les Lesbiens en conviennent aussi. Ils disent qu’Arion de Méthymne, le plus habile joueur de cithare qui fût alors, et le premier, que je sache, qui ait fait et nommé le dithyrambe, et l’ait exécuté à Corinthe, fut porté sur le dos d’un dauphin jusqu’au promontoire de Ténare.

XXIV. Ils assurent qu’Arion, ayant passé un temps considérable à la cour de Périandre, eut envie de naviguer en Sicile et en Italie. Ayant amassé dans ces pays de grands biens, il voulut retourner à Corinthe. Prêt à partir de Tarente, il loua un vaisseau corinthien, parce qu’il se fiait plus à ce peuple qu’à tout autre. Lorsqu’il fut sur le vaisseau, les Corinthiens tramèrent sa perte, et résolurent de le jeter à la mer pour s’emparer de ses richesses. Arion,