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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

LXXXV. Darius avait un habile écuyer, nommé Œbarès. Au sortir de l’assemblée, Darius s’adressant à lui : « Œbarès, lui dit-il, il a été arrêté entre nous que, demain matin, nous monterions à cheval, et que celui-là serait roi dont le cheval hennirait le premier au soleil levant. Fais donc usage de toute ton habileté, afin que j’obtienne ce haut rang préférablement à tout autre. — Seigneur, répondit Œbarès, si votre élection ne dépend que de cela, prenez courage, et ne vous mettez pas en peine : personne n’aura sur vous la préférence ; j’ai un secret infaillible. »

« Si tu en as véritablement un, reprit Darius, il est temps d’en faire usage ; il n’y a point à différer : demain notre sort sera décidé. »

Sur cet avis, sitôt que la nuit fut venue, Œbarès prit une des cavales que le cheval de Darius aimait le plus. Il la mena dans le faubourg, l’y attacha, et en fit approcher le cheval de son maître, le fit passer et repasser plusieurs fois autour de cette cavale, et enfin il lui permit de la saillir.

LXXXVI. Le lendemain, dès qu’il fut jour, les six Perses, selon leur convention, se trouvèrent à cheval au rendez-vous. Comme ils allaient de côté et d’autre dans le faubourg, lorsqu’ils furent vers l’endroit où, la nuit précédente, la cavale avait été attachée, le cheval de Darius y accourut, et se mit à hennir. En même temps il parut un éclair, et l’on entendit un coup de tonnerre, quoique l’air fût alors serein. Ces signes, survenant comme le ciel eût été d’intelligence avec Darius, furent pour ce prince une espèce d’inauguration. Les cinq autres descendirent aussitôt de cheval, se prosternèrent à ses pieds, et le reconnurent pour leur roi[1].

    une convention faite entre les conjurés. Les passages qu’apporte M. l’abbé Brotier pour prouver que les Perses tiraient des présages des chevaux, ne le prouvent pas. Dans le premier, il s’agit d’une convention ; dans le second, il est question de chevaux sacrés ; mais il n’est point dit qu’on en tirât des présages. (L.)

  1. Lorsque Cyrus perdit la vie, Darius avait environ vingt ans ; Cambyse régna sept ans cinq mois ; le mage Smerdis ne fut sur le trône que sept mois.