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THALIE, LIVRE III.

même mais celui-ci se contenta de lui dire qu’en lui parlant il avait encouru l’amende. Périandre, comprenant par cette réponse que le mal de son fils était extrême et que rien ne pouvait le vaincre, l’éloigna de sa présence, et le fit embarquer pour Corcyre, qui était aussi de sa dépendance. Périandre, l’ayant relégué loin de lui, marcha contre son beau-père Proclès ; parce qu’il était le principal auteur des malheurs de sa maison. Il se rendit maître de la ville d’Épidaure, et fit prisonnier Proclès, à qui cependant il conserva la vie.

LIII. Dans la suite des temps, Périandre étant âgé, et ne se sentant plus en état de veiller aux affaires et de gouverner par lui-même, envoya chercher Lycophron à Corcyre, pour lui confier les rênes de l’État : car son fils aîné était stupide, et il ne voyait en lui aucune ressource. Lycophron ne daigna pas même répondre au message de son père. Mais Périandre, qui l’aimait tendrement, lui envoya ensuite sa sœur, qui était sa propre fille, dans l’espérance qu’elle aurait plus de crédit sur son esprit.

Quand elle fut arrivée à Corcyre : « Aimez-vous donc mieux, mon frère, lui dit-elle, voir la puissance souveraine passer en des mains étrangères, et les biens de votre père dissipés, que de revenir en prendre possession ? Revenez dans la maison paternelle ; cessez de vous nuire à vous-même : le zèle est un bien fâcheux ; ne cherchez point à guérir un mal par un autre. Bien des gens préfèrent les voies de la douceur à celles de la justice ; et plusieurs, en poursuivant les droits d’une mère, ont perdu ceux qu’ils pouvaient espérer de leur père. La tyrannie est une chose glissante ; mille amants aspirent à sa conquête. Périandre est déjà vieux et avancé en âge : n’abandonnez pas à d’autres un bien qui vous appartient. »

Instruite par son père, elle tint à Lycophron le langage le plus propre à le persuader ; mais il lui répondit qu’il n’irait jamais à Corinthe tant qu’il saurait Périandre en vie. La princesse fit, à son retour, part à son père de la réponse de Lycophron. Périandre lui envoya la troisième fois un héraut, avec ordre de lui dire qu’il avait dessein