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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

de mettre ensuite le feu au temple où Jupiter rendait ses oracles. Pour lui, il continua sa route vers l’Éthiopie avec le reste de l’armée.

Ses troupes n’avaient pas encore fait la cinquième partie du chemin, que les vivres manquèrent tout à coup. On mangea les bêtes de somme, et bientôt après elles manquèrent aussi. Si Cambyse, instruit de cette disette, eût alors changé de résolution, et qu’après la faute qu’il avait faite dans le commencement il fût revenu sur ses pas avec son armée, il aurait agi en homme sage. Mais, sans s’inquiéter de la moindre chose, il continua à marcher en avant. Les soldats se nourrirent d’herbages tant que la campagne put leur en fournir ; mais, lorsqu’ils furent arrivés dans les pays sablonneux, la faim en porta quelques-uns à une action horrible. Ils se mettaient dix à dix, tiraient au sort, et mangeaient celui qu’ils désignaient. Cambyse en ayant eu connaissance, et craignant qu’ils ne se dévorassent les uns les autres, abandonna l’expédition contre les Éthiopiens, rebroussa chemin, et arriva à Thèbes, après avoir perdu une partie de son armée. De Thèbes il vint à Memphis, où il congédia les Grecs, et leur permit de se mettre en mer. Tel fut le succès de son expédition contre les Éthiopiens.

XXVI. Les troupes qu’on avait envoyées contre les Ammoniens partirent de Thèbes avec des guides, et il est certain qu’elles allèrent jusqu’à Oasis. Cette ville est habitée par des Samiens qu’on dit être de la tribu æschrionienne. Elle est à sept journées de Thèbes, et l’on ne peut y aller que par un chemin sablonneux. Ce pays s’appelle en grec les îles des Bienheureux. On dit que l’armée des Perses alla jusque-là ; mais personne ne sait ce qu’elle devint ensuite, si ce n’est les Ammoniens et ceux qu’ils en ont instruits. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’elle n’alla pas jusqu’au pays des Ammoniens, et qu’elle ne revint point en Égypte. Les Ammoniens racontent que cette armée étant partie d’Oasis, et ayant fait, par le milieu des sables, à peu près la moitié du chemin qui est entre eux et cette ville, il s’éleva, pendant qu’elle prenait son repas, un vent de sud impétueux, qui