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EUTERPE, LIVRE II.

nèse, ce culte se perdit, excepté chez les Arcadiens, qui, étant restés dans le Péloponnèse, et n’ayant pu en être chassés, furent les seuls qui le conservèrent.

CLXXII. Apriès étant péri de la sorte, Amasis, de la ville de Siuph, dans le nome Saïte, monta sur le trône. Au commencement de son règne, les peuples en faisaient peu de cas, et n’avaient que du mépris pour lui, à cause qu’il était né plébéien, et non d’une maison illustre ; mais il sut dans la suite se les rendre favorables par son adresse et son habileté.

Parmi une infinité de choses précieuses qui lui appartenaient, on voyait un bassin d’or où il avait coutume de se laver les pieds, lui et tous les grands qui mangeaient à sa table. Il le mit en pièces, et en fit faire la statue d’un dieu, qu’il plaça dans l’endroit le plus apparent de la ville. Les Égyptiens ne manquèrent pas de s’y assembler, et de rendre un culte à ce simulacre. Amasis, informé de ce qui se passait, les convoqua, et leur déclara que cette statue, pour laquelle ils avaient tant de vénération, venait du bassin d’or qui avait servi auparavant aux usages les plus vils. « Il en est ainsi de moi, ajouta-t-il : j’étais plébéien ; mais actuellement je suis votre roi : je vous exhorte donc à me rendre l’honneur et le respect qui me sont dus. » Il gagna tellement, par ce moyen, l’affection de ses peuples, qu’ils trouvèrent très-juste de se soumettre à son gouvernement.

CLXXIII. Voici comment il réglait les affaires : depuis le point du jour jusqu’à l’heure où la place est pleine, il s’appliquait à juger les causes qui se présentaient. Le reste du temps, il le passait à table, où il raillait ses convives, et ne songeait qu’à se divertir et qu’à faire des plaisanteries ingénieuses et indécentes. Ses amis, affligés d’une telle conduite, lui firent des représentations. « Seigneur, lui dirent-ils, vous ne savez pas soutenir l’honneur de votre rang, et vous vous avilissez. Assis avec dignité sur votre trône, vous devriez vous occuper toute la journée des soins de l’État : les Égyptiens reconnaîtraient à vos actions qu’ils sont gouvernés par un grand homme, et votre réputation en serait meilleure ; mais votre conduite ne répond pas à