qui en avait entendu parler, voulut par ce même moyen se procurer une femme grecque, bien persuadé que les autres n’ayant point été punis, il ne le serait pas non plus. Il enleva donc Hélène ; mais les Grecs, continuent-ils, s’étant assemblés, furent d’avis d’envoyer d’abord des ambassadeurs pour demander cette princesse, et une réparation de cette insulte. À cette proposition les Troyens opposèrent aux Grecs l’enlèvement de Médée, leur reprochèrent d’exiger une satisfaction, quoiqu’ils n’en eussent fait aucune, et qu’ils n’eussent point rendu cette princesse après en avoir été sommés.
IV. Jusque-là, disent les Perses, il n’y avait eu de part et d’autre que des enlèvements ; mais depuis cette époque les Grecs se mirent tout à fait dans leur tort, en portant la guerre en Asie avant que les Asiatiques l’eussent déclarée à l’Europe. Or, s’il y a de l’injustice, ajoutent-ils, à enlever des femmes, il y a de la folie à se venger d’un rapt, et de la sagesse à ne s’en pas mettre en peine, puisqu’il est évident que, sans leur consentement, on ne les eût pas enlevées. Les Perses assurent que, quoiqu’ils soient Asiatiques, ils n’ont tenu aucun compte des femmes enlevées dans cette partie du monde ; tandis que les Grecs, pour une femme de Lacédémone, équipèrent une flotte nombreuse, passèrent en Asie, et renversèrent le royaume de Priam. Depuis cette époque, les Perses ont toujours regardé les Grecs comme leurs ennemis ; car ils s’arrogent[1] l’empire sur l’Asie et sur les nations barbares qui l’habitent, et considèrent l’Europe et la Grèce comme un continent à part.
V. Telle est la manière dont les Perses rapportent ces événements, et c’est à la prise d’Ilion qu’ils attribuent la cause de la haine qu’ils portent aux Grecs. À l’égard d’Io, les Phéniciens ne sont pas d’accord avec les Perses. Ils disent que ce ne fut pas par un enlèvement qu’ils la menèrent en Égypte : qu’ayant eu commerce à Argos avec le capitaine du navire, quand elle se vit grosse, la crainte
- ↑ Les Perses s’attribuaient l’empire sur toute l’Asie, comme on le voit très-clairement, livre ix, § cxv. Ils regardaient par conséquent comme faite à eux-mêmes toute insulte faite à un peuple asiatique quelconque. (L.)