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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

les villes qui n’étaient point sur ses bords, mais au milieu des terres, se trouvaient dans une grande disette d’eau, n’ayant pour leur boisson que l’eau saumâtre des puits.

CIX. Les prêtres me dirent encore que ce même roi fit le partage des terres, assignant à chaque Égyptien une portion égale de terre, et carrée, qu’on tirait au sort ; à la charge néanmoins de lui payer tous les ans une certaine redevance, qui composait son revenu. Si le fleuve enlevait à quelqu’un une partie de sa portion, il allait trouver le roi, et lui exposait ce qui était arrivé. Ce prince envoyait sur les lieux des arpenteurs pour voir de combien l’héritage était diminué, afin de ne faire payer la redevance qu’à proportion du fonds qui restait. Voilà, je crois, l’origine de la géométrie, qui a passé de ce pays en Grèce[1]. À l’égard du gnomon[2] du pôle, ou cadran solaire, et de la division du jour en douze parties[3], les Grecs les tiennent des Babyloniens.

CX. Sésostris est le seul roi d’Égypte qui ait régné en Éthiopie. Ce prince laissa des statues de pierre devant le temple de Vulcain, en mémoire du danger qu’il avait évité. Il y en avait deux de trente coudées de haut, dont l’une le représentait, et l’autre représentait sa femme ; et quatre de vingt coudées chacune, qui représentaient ses quatre fils. Longtemps après, lorque Darius, roi de Perse, voulut faire placer sa statue devant celles-ci, le grand prêtre de Vulcain s’y opposa. Ce prince, objectait-il, n’a pas fait de si grandes actions que Sésostris. S’il a soumis autant de nations, du moins n’a-t-il pu vaincre les Scythes, que Sésostris a subjugués. Il n’est donc pas juste, ajoutait-il, de placer devant les statues[4] de Sésostris celle d’un prince

  1. Pamphile raconte que Thalès de Milet apprit la géométrie des Égyptiens et qu’il en apporta la connaissance en Grèce. (Diogène Laerce, liv. i.)
  2. Le gnomon était une colonne ou obélisque, dont on mesurait l’ombre pour déterminer la position du soleil. (Miot.)
  3. Il paraît, par ce passage, que, du temps d’Hérodote, le jour se partageait en douze parties : cependant on ne peut en conclure qu’on donnait à ces douzes parties le nom d’heures. On ignore à quelle époque on commença à désigner par ce nom les diverses parties du jour. (L.)
  4. Dans le grec : ses offrandes. Les statues qu’on élevait à quelqu’un étaient toujours offertes aux dieux, afin qu’étant sous la protection de la religion, personne n’osât les renverser.