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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

Ils me racontèrent que les Égyptiens, après avoir tué son frère, qui était leur roi, lui remirent la couronne ; qu’alors elle chercha à venger sa mort, et qu’elle fit périr par artifice un grand nombre d’Égyptiens. On pratiqua sous terre, par son ordre, un vaste appartement, qu’elle destinait en apparence à des festins ; mais elle avait réellement d’autres vues. Elle y invita à un repas un grand nombre d’Égyptiens qu’elle connaissait pour les principaux auteurs de la mort de son frère, et, pendant qu’ils étaient à table, elle fit entrer les eaux du fleuve par un grand canal secret. Il n’est rien dit davantage de cette princesse, si ce n’est qu’après avoir fait cela elle se précipita dans un appartement toute couverte de cendres, afin de se soustraire à la vengeance du peuple[1].

CI. Les prêtres me dirent que de tous ces rois il n’y en eut aucun qui se fût distingué par des ouvrages remarquables ou par quelque action d’éclat, si vous en exceptez Mœris, le dernier de tous ; que ce prince s’illustra par plusieurs monuments ; qu’il bâtit le vestibule du temple de Vulcain qui regarde le nord, et creusa un lac dont je donnerai dans la suite les dimensions ; et qu’il y fit élever des pyramides, dont je décrirai la grandeur dans le même temps que je parlerai du lac. Ils me racontèrent que ce prince fit faire tous ces ouvrages, et que les autres ne laissèrent aucun monument à la postérité ; aussi les passerai-je sous silence, et me contenterai-je de faire mention de Sésostris, qui vint après eux[2].

CII. Ce prince fut, selon ces prêtres, le premier qui, étant parti du golfe Arabique avec des vaisseaux longs, subjugua les peuples qui habitaient les bords de la mer Erythrée : il fit voile encore plus loin, jusqu’à une mer qui n’était plus navigable à cause des bas-fonds.

  1. C’est-à-dire de lui inspirer de la pitié par son abaissement.
  2. Ce prince vivait un peu moins d’un siècle avant la guerre de Troie, et il était à peu près contemporain d’Hercule, fils d’Alcmène. Il monta sur le trône après ces trois cent trente rois dont on vient de parler, et dont Mœris fut le dernier. Il y avait en effet environ neuf cents ans que Mœris, le dernier de ces trois cent trente rois, était mort, lorsque Hérodote alla en Égypte. Il se passa environ huit cents ans depuis la guerre de Troie jusqu’à Hérodote, et neuf cents depuis Hercule jusqu’au même historien. (Wesseling.)