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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

les tirer de dessus le rivage. Voici la manière dont on les conduit en descendant : on a une claie de bruyère tissue avec du jonc, et une pierre percée pesant environ deux talents[1] ; on attache la claie avec une corde à l’avant du vaisseau, et on la laisse aller au gré de l’eau ; on attache la pierre à l’arrière avec une autre corde : la claie, emportée par la rapidité du courant, entraîne avec elle le baris (c’est ainsi qu’on appelle cette sorte de navire) ; la pierre qui est à l’arrière gagne le fond de l’eau, et sert à diriger sa course. Ils ont un grand nombre de vaisseaux de cette espèce, dont quelques-uns portent une charge de plusieurs milliers de talents.

XCVII, Quand le Nil a inondé le pays, on n’aperçoit plus que les villes ; elles paraissent au-dessus de l’eau, et ressemblent à peu près aux îles de la mer Égée. Toute l’Égypte en effet n’est qu’une vaste mer, si vous en exceptez les villes. Tant que dure l’inondation, on ne navigue plus sur les canaux du fleuve, mais par le milieu de la plaine. Ceux qui remontent de Naucratis à Memphis prennent alors par les pyramides : ce n’est point là cependant la navigation ordinaire, mais par la pointe du Delta et par la ville de Cercasore. Si de la mer et de Canope vous allez à Naucratis par la plaine, vous passerez près des villes d’Anthylle et d’Archandre.

XCVIII. Anthylle est une ville considérable ; elle fait toujours partie du revenu de la femme des rois d’Égypte, et lui est particulièrement assignée pour sa chaussure[2]. Cet usage s’observe depuis que ce pays appartient aux Perses. La ville d’Archandre me paraît avoir pris son nom d’Archandre de Phthie, gendre de Danaüs et fils d’Achæus. Peut-être y a-t-il quelque autre Archandre ; mais certainement ce nom n’est pas égyptien.

XCIX. J’ai dit jusqu’ici ce que j’ai vu, ce que j’ai su par moi-même, ou ce que j’ai appris par mes recherches.

  1. Le talent pèse 51 livres 6 onces 7 gros 24 grains. Ainsi les deux talents pèsent 102 livres 13 onces 6 gros 48 grains.
  2. Athénée raconte que ce revenu était affecté aux reines d’Égypte et de Perse pour leur ceinture. Athénée veut seulement parler des reines de Perse qui le furent aussi d’Égypte, depuis la conquête de ce pays par Cambyse. (L.)