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EUTERPE, LIVRE II.

prescrit[1]. Le dernier jour, on fait sortir du ventre la liqueur injectée : elle a tant de force, qu’elle dissout le ventricule et les entrailles, et les entraîne avec elle. Le natrum consume les chairs, et il ne reste du corps que la peau et les os. Cette opération finie, ils rendent le corps sans y faire autre chose.

LXXXVIII. La troisième espèce d’embaumement n’est que pour les plus pauvres. On injecte le corps avec la liqueur nommée surmaïa ; on met le corps dans le natrum pendant soixante et dix jours, et on le rend ensuite à ceux qui l’ont apporté.

LXXXIX. Quant aux femmes de qualité, lorsqu’elles sont mortes, on ne les remet pas sur-le-champ aux embaumeurs, non plus que celles qui sont belles et qui ont été en grande considération, mais seulement trois ou quatre jours après leur mort. On prend cette précaution, de crainte que les embaumeurs n’abusent des corps qu’on leur confie. On raconte qu’on en prit un sur le fait avec une femme morte récemment, et cela sur l’accusation d’un de ses camarades.

XC. Si l’on trouve un corps mort d’un Égyptien ou même d’un étranger, soit qu’il ait été enlevé par un crocodile, ou qu’il ait été noyé dans le fleuve, la ville sur le territoire de laquelle il a été jeté est obligée de l’embaumer, de le préparer de la manière la plus magnifique, et de le mettre dans des tombeaux sacrés. Il n’est permis à aucun de ses parents ou de ses amis d’y toucher ; les prêtres du Nil[2] ont seuls ce privilége ; ils l’ensevelissent de leurs propres mains, comme si c’était quelque chose de plus que le cadavre d’un homme.

  1. C’est-à-dire soixante et dix jours, comme on l’a vu au paragraphe précédent. Il paraît que le deuil commençait avec ce procédé, et qu’il finissait en même temps. Le deuil peur les rois durait soixante et douze jours : celui de Joseph fut de soixante et dix jours. (L.)
  2. Les Égyptiens rendaient un culte au Nil : on lui avait élevé des temples ; il en avait un magnifique à Nilopolis, ville de la province d’Arcadie en Égypte, et l’on ne doute point qu’il n’en eût ailleurs. Du moins est-il certain, par ce passage d’Hérodote, qu’il devait avoir des prêtres dans toutes les villes situées sur les bords du fleuve ; et, suivant toutes les apparences, on lui rendait une espèce de culte dans toutes ces villes. (L.)