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VIE D’HÉRODOTE.

différents pays pour s’instruire de tout ce qui pouvait les concerner, eut négligé d’aller voir une ville qui passait alors pour la plus belle du monde, et où il pouvait recueillir les mémoires les plus sûrs pour l’histoire qu’il préparait de la haute Asie, surtout en ayant approché de si près. »

La Colchide fut le dernier pays de l’Asie qu’il parcourut. Il voulait s’assurer par lui-même si les Colchidiens étaient Égyptiens d’origine, comme on le lui avait dit en Égypte, et s’ils étaient les descendants d’une partie de l’armée de Sésostris qui s’était établie dans ce pays. De la Colchide il passa chez les Scythes et chez les Gètes, de là en Thrace, de la Thrace en Macédoine ; et enfin il revint en Grèce par l’Épire. S’il n’avait pas bien connu tous ces différents pays, comment aurait-il pu en donner une description exacte, et parler avec clarté de l’expédition de Darius chez les Scythes, et de celle de Xerxès dans la Grèce ?

De retour dans sa patrie, il n’y fit pas un long séjour. Lygdamis en était alors tyran. Il était fils de Pisindélis, et petit-fils d’Artémise, qui s’était distinguée à la journée de Salamine. Ce tyran avait fait mourir Panyasis, oncle de notre historien. Celui-ci, ne croyant pas ses jours en sûreté sous un gouvernement soupçonneux et cruel, chercha un asile à Samos. Ce fut dans cette douce retraite qu’il mit en ordre les matériaux qu’il avait apportés, qu’il fit le plan de son histoire et qu’il en composa les premiers livres. La tranquillité et les agréments dont il y jouissait n’éteignirent point en lui le goût de la liberté. Ce goût, inné pour ainsi dire chez les Grecs, joint au puissant désir de la vengeance, lui inspira le dessein de chasser Lygdamis. Dans cette vue il se ligua avec les mécontents, et surtout avec les amis de la liberté. Lorsqu’il crut la partie assez bien liée, il reparut tout à coup à Halicarnasse ; et, s’étant mis à la tête des conjurés, il chassa le tyran. Cette action généreuse n’eut d’autre récompense que la plus noire ingratitude. Il fallait établir une forme de gouvernement qui conservât à tous les citoyens l’égalité, ce droit précieux que tous les hommes apportent en naissant. Mais cela n’était guère possible dans une ville partagée en factions, où des citoyens s’imaginaient avoir, par leur naissance et par leurs richesses, le privilége de gouverner, et d’exclure des honneurs la classe mitoyenne, ou même de la vexer. L’aristocratie, la pire espèce de tous les gouvernements, était leur idole favorite. Ce n’était pas l’amour de la liberté qui les avait armés contre le tyran, mais le désir de s’attribuer son autorité et de régner avec le même despotisme. La classe mitoyenne et le peuple, qui avaient eu peu de chose à redouter du tyran, crurent perdre au change,