Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 1, 1850.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
130
HISTOIRE D’HÉRODOTE.

rait contre lui ; mais le dieu lui présageait par ce songe qu’il devait mourir dans le pays des Massagètes, et que sa couronne passerait sur la tête de Darius. Hystaspes répondit : « Seigneur, aux dieux ne plaise qu’il se trouve parmi les Perses un homme qui veuille attenter à vos jours ! s’il s’en trouvait quelqu’un, qu’il périsse au plus tôt. D’esclaves qu’ils étaient, vous en avez fait des hommes libres ; et, au lieu de recevoir les ordres d’un maître, ils commandent à toutes les nations. Au reste, seigneur, si quelque vision vous a fait connaître que mon fils conspire contre votre personne, je vous le livre moi-même, pour le traiter comme il vous plaira. » Hystaspes traversa l’Araxe après cette réponse, et retourna en Perse pour s’assurer de Darius son fils, et le représenter à Cyrus.

CCXI. Cyrus, s’étant avancé à une journée de l’Araxe, laissa dans son camp, suivant le conseil de Crésus, ses plus mauvaises troupes, et retourna vers le fleuve avec ses meilleures. Les Massagètes vinrent attaquer, avec la troisième partie de leurs forces, les troupes que Cyrus avait laissées à la garde du camp, et les passèrent au fil de l’épée après quelque résistance. Voyant ensuite tout prêt pour le repas, ils se mirent à table ; et, après avoir mangé et bu avec excès, ils s’endormirent. Mais les Perses survinrent, en tuèrent un grand nombre, et firent encore plus de prisonniers, parmi lesquels se trouva Spargapisès, leur général, fils de la reine Tomyris.

CCXII. Cette princesse, ayant appris le malheur arrivé à ses troupes et à son fils, envoya un héraut à Cyrus : « Prince altéré de sang, lui dit-elle par la bouche du héraut, que ce succès ne t’enfle point ; tu ne le dois qu’au jus de la vigne, qu’à cette liqueur qui vous rend insensés, et ne descend dans vos corps que pour faire remonter sur vos lèvres des paroles insolentes. Tu as remporté la victoire sur mon fils, non dans une bataille et par tes propres forces, mais par l’appât de ce poison séducteur. Écoute, et suis un bon conseil : rends-moi mon fils, et, après avoir défait le tiers de mon armée, je veux bien encore que tu te retires impunément de mes États ; sinon, j’en jure par le Soleil, le souverain maître