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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

de Babylone, par le canal de communication, le fleuve dans le lac, qui était un grand marais. Les eaux s’y écoulèrent, et l’ancien lit de l’Euphrate devint guéable. Cela fait, les Perses, qui avaient été placés exprès sur les bords du fleuve, entrèrent dans Babylone par le lit de la rivière, dont les eaux s’étaient tellement retirées, qu’ils n’en avaient guère que jusqu’au milieu des cuisses. Si les Babyloniens eussent été instruits d’avance du dessein de Cyrus, ou s’ils s’en fussent aperçus au moment de l’exécution, ils auraient fait périr l’armée entière, loin de la laisser entrer. Ils n’auraient eu qu’à fermer toutes les petites portes qui conduisaient au fleuve, et qu’à monter sur le mur dont il est bordé ; ils l’auraient prise comme dans un filet. Mais les Perses survinrent lorsqu’ils s’y attendaient le moins. Si l’on en croit les Babyloniens, les extrémités de la ville étaient déjà au pouvoir de l’ennemi, que ceux qui demeuraient au milieu n’en avaient aucune connaissance, tant elle était grande. Comme ses habitants célébraient par hasard en ce jour une fête, ils ne s’occupaient alors que de danses et de plaisirs, qu’ils continuèrent jusqu’au moment où ils apprirent le malheur qui venait d’arriver. C’est ainsi que Babylone fut prise pour la première fois.

CXCII. Entre autres preuves que je vais rapporter de la puissance des Babyloniens, j’insiste sur celle-ci. Indépendamment des tributs ordinaires, tous les États du grand roi entretiennent sa table et nourrissent son armée. Or, de douze mois dont l’année est composée, la Babylonie fait cette dépense pendant quatre mois, et celle des huit autres se répartit sur le reste de l’Asie. Ce pays égale donc en richesses et en puissance le tiers de l’Asie. Le gouvernement de cette province (les Perses donnent le nom de satrapies à ces gouvernements) est le meilleur de tous. Il rapportait par jour une artabe d’argent à Tritantæchmès, fils d’Artabaze, à qui le roi l’avait donné. L’artabe[1] est une mesure de Perse, plus grande de trois chénices attiques que la médimne attique. Cette province entretenait encore au roi,

  1. La médimne attique contenait 24 chénices attiques, ou 96 setiers ; la chénice a 4 setiers 2 cotyles : ainsi l’artabe était de 27 chénices ou 108 setiers. (L.)