Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 1, 1850.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
119
CLIO, LIVRE I.

sique). Pendant que Cyrus essayait de traverser le Gyndes, quoiqu’on ne pût le faire qu’en bateau, un de ces chevaux blancs qu’on appelle sacrés, emporté par son ardeur, sauta dans l’eau ; et s’efforçant de gagner la rive opposée, la rapidité du courant l’enleva, le submergea, et le fit entièrement disparaître. Cyrus, indigné de l’insulte du fleuve, le menaça de le rendre si petit et si faible, que dans la suite les femmes mêmes pourraient le traverser sans se mouiller les genoux. Ces menaces faites, il suspend l’expédition contre Babylone, partage son armée en deux corps, trace au cordeau, de chaque côté de la rivière, cent quatre-vingts canaux qui venaient y aboutir en tout sens, et les fait ensuite creuser par ses troupes. On en vint à bout, parce qu’on y employa un grand nombre de travailleurs ; mais cette entreprise les occupa pendant tout l’été.

CXC. Cyrus, s’étant vengé du Gyndes en le coupant en trois cent soixante canaux, continua sa marche vers Babylone dès que le second printemps eut commencé à paraître. Les Babyloniens, ayant mis leurs troupes en campagne, l’attendirent de pied ferme. Il ne parut pas plutôt près de la ville, qu’ils lui livrèrent bataille ; mais, ayant été vaincus, ils se renfermèrent dans leurs murailles.

Comme ils savaient depuis longtemps que ce prince ne pouvait rester tranquille, et qu’il attaquait également toutes les nations, ils avaient fait un amas de provisions pour un grand nombre d’années. Aussi le siége ne les inquiétait-il en aucune manière. Cyrus se trouvait dans un grand embarras ; il assiégeait la place depuis longtemps, et n’était pas plus avancé que le premier jour.

CXCI. Enfin, soit que de lui-même il eût connu ce qu’il fallait faire, soit que quelqu’un, le voyant embarrassé, lui eût donné un bon conseil, voici le moyen qu’il employa. Il plaça son armée, partie à l’endroit où le fleuve entre dans Babylone, partie à l’endroit d’où il en sort, avec ordre de s’introduire dans la ville par le lit du fleuve dès qu’il serait guéable. Son armée ainsi postée, et cet ordre donné, il se rendit au lac avec ses plus mauvaises troupes. Lorsqu’il y fut arrivé, il détourna, à l’exemple de la reine