Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 1, 1850.djvu/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
VIE D’HÉRODOTE.

tions du pays, les mœurs, les usages et la religion de ses habitants, et l’histoire des derniers princes avant la conquête des Perses, avec des particularités intéressantes sur cette conquête, qui eussent été à jamais perdues s’il ne les eût pas transmises à la postérité.

Si l’on croyait que notre auteur n’a fait que recueillir les bruits populaires, on se tromperait grossièrement. On ne saurait imaginer les soins et les peines qu’il a pris pour s’instruire, et pour ne présenter à ses lecteurs rien que de certain. Ses conférences avec les prêtres de l’Égypte, la familiarité dans laquelle il a vécu avec eux, les précautions qu’il a prises pour qu’il ne lui en imposassent point, sont des garants sûrs de ce qu’il avance. Un voyageur moins circonspect se serait contenté du témoignage des prêtres de Vulcain établis à Memphis. Ce témoignage, respectable sans doute, ne lui parut pas suffisant. Il se transporta à Héliopolis, et de là à Thèbes, pour s’assurer par lui-même de la vérité de ce que lui avaient dit les prêtres de Memphis. Il consulta les colléges des prêtres établis dans ces deux grandes villes, qui étaient les dépositaires de toutes les connaissances ; et, les trouvant parfaitement d’accord avec les prêtres de Memphis, il se crut alors autorisé à donner les résultats de ses entretiens.

Le voyage qu’Hérodote fit à Tyr nous offre un autre exemple non moins frappant de l’exactitude de ses recherches. Il avait appris en Égypte qu’Hercule était l’un des douze dieux nés des huit plus anciens, et que ces douze dieux avaient régné en Égypte dix-sept mille ans avant le règne d’Amasis. Une pareille assertion était bien capable de confondre toutes les idées d’un Grec qui ne connaissait d’autre Hercule que celui de sa nation, dont la naissance ne remontait qu’à l’an 1384 avant notre ère, comme je l’ai prouvé dans mon Essai de chronologie, chapitre XIII. Comme cette assertion était autorisée par les livres sacrés et par le témoignage unanime des prêtres, il ne pouvait ou n’osait la contester. Cependant, comme il voulait acquérir à cet égard une plus grande certitude, si cela était possible, il se transporta à Tyr pour y voir un temple d’Hercule que l’on disait très-ancien. On lui apprit dans cette ville qu’il y avait 2,300 ans que ce temple avait été bâti. Il vit aussi à Tyr un temple d’Hercule surnommé Thasien. La curiosité l’ayant porté à se rendre à Thasos, il y trouva un temple de ce dieu, construit par ces Phéniciens qui, courant les mers sous prétexte de chercher Europe, fondèrent une colonie dans cette île, cinq générations avant la naissance du fils d’Alcmène. Il fut alors convaincu que l’Hercule égyptien était très-différent du fils d’Amphitryon ; et il resta tellement persuadé que le premier était un