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une âme à la mer

On est fier d’avoir vaillamment contribué à sortir vainqueur de la tourmente.

Je suis écrasée par la beauté et la grandeur des heures que je viens de vivre. Je ne sais pas encore les raconter.

Il vous est impossible de répondre à toutes les questions qu’on vous pose. « Ils ne le savent pas, ils ne sauront jamais comprendre, car il faut avoir vu » et la Mer est encore dans mes yeux.

J’étais désespérée de voir mon Ailée s’en aller par petits morceaux et devenir une épave.

J’admirais mon équipage héroïque.

« Restez donc pas là, Madame »… « Pas ici »… « Attention, pas là ». Le capitaine cria « Tout le monde sur le pont ». Le chef de cuisine passa près de moi, livide.

« J’ai failli être tué à l’instant » me dit-il ! Je hausse les épaules et réponds : « Nous tous ».

En suivant toutes les manœuvres, l’équipage considérant que la place n’est pas bonne, me renvoie. « Autant moi qu’un autre », et je reste avec eux dans la lutte.

« Madame, nous sommes perdus », me dit le capitaine. « Je le sais, Beuzit ».

Plus de voilure, plus de gouvernail, plus de loch. Tout est brisé sauf les deux bas-mâts qui vont venir aussi. La bôme menace de crever la coque. La côte