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goélette ailée

Dans la mer du Nord, vent debout depuis deux jours, Ailée tire des bords. Arabe nous a donné sa route hier ; ce soir il doit sérieusement se rapprocher de nous.

Parti de Christianda vingt-quatre heures plus tard que Ailée, filant ses quatorze nœuds, il doit nous dépasser bientôt. La T. S. F. reste muette. Il doit être tout près maintenant. Il est minuit, la nuit est bouchée. Tiens, là-bas, deux petits feux brillent, avec l’Alphabet Scott, Ailée demande votre nom ?

Réponse : « Arabe ».

Ailée signale : « Bon voyage. Salut ».

Réponse Arabe : « Allons vers vous ». Il se rapproche rapidement, il arrive avec ses deux feux bâbord et tribord bien visibles. Rien n’est plus impressionnant que de sentir la présence de ce navire de guerre, qui vient à nous invisible dans les ténèbres. Le voici dans le grand silence. On l’entend respirer, vivre, palpiter de cette vie intense des bâtiments de guerre, sorte de bourdonnement qui s’échappe de tous les services des moteurs en action.

Tout à coup un énorme projecteur nous découvre, nous balaie, nous faisant sortir de la nuit.

Ailée s’illumine ; ses voiles blanchissent, les rayons traînent partout et nous inondent de clarté. Il nous voit splendidement. Je souris à cette lumière blafarde qui nous aveugle et je dis au Commandant Le Moaligou : « Bonsoir ». Comme Ailée doit être belle !