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une âme à la mer

Border, filer, changer d’amure, diminuer ou augmenter la voilure…

Quelle angoisse de ne pouvoir crier la beauté de ce que je vois !

Je m’abîme dans la contemplation de ce ciel, de cette mer, de ce vaisseau fleuri d’étoffe gonflée qui, silencieusement, sûrement, glisse dans la nuit noire. Chacun parle bas et même ceux habitués comme moi à voir et à ne plus rien dire, parce que c’est trop grand et que les mots diminueraient, même ceux-là, ce soir, partent pour un pays de rêverie où ils savent cependant qu’ils n’aborderont jamais !

Mais, devant un spectacle infini, chaque être retrouve en lui un coin de terre ou de mer où il voudrait que les choses se passassent selon son cœur ! Alors, sous les étoiles, dans la marche interminable du quart, s’arrêtant dans les cordages pour repartir vers la lisse la mer ruisselle voluptueuse et bleue, celui qui rêve fait descendre les étoiles et marche au milieu d’elles !

Oh ! les songeries de ces nuits magiciennes, entre ciel et eau.

On tue, on étrangle le laid, l’égoïsme, la jalousie, car de toutes parts il n’y a plus que douceur, loyauté, silence.

Le jour succède à la nuit et tout reste en beauté à sa place.

Toujours distant, loin des humains, le vaisseau