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une âme à la mer

chercher des rubans et des épingles anglaises ? » Il rit, les autres aussi.

Guéguen se reprenant :

« Quel pavillon, Madame ? Le vieux ou le neuf ? »

« Garde le neuf pour un jour meilleur », répondis-je.

Deux longues heures d’attente, si longues, nous avons l’espoir et nous attendons. Une fumée ! là-bas. Un paquebot nous a aperçus et fait route sur nous ; c’est le crépuscule. Un chalutier voyant sa manœuvre bat la mer et nous trouve entre deux montagnes d’eau.

Voir la détente et le sourire sur toutes ces bonnes figures.

Je serre toutes les mains.

En remorque nous voici à l’abri à l’entrée de Santander. La houle nous accompagne, énorme. Je vois mes braves Bretons exténués en grappe à l’avant. Je fais hisser, Dieu sait comment, les trois couleurs à l’arrière sur le mât de pavillon qui seul dépasse et n’a plus l’air catastrophé.

Puis mon pavillon un peu en berne, puisqu’il ne reste plus de drisse pour l’envoyer. Les voiles qui ne sont pas parties (comme des mouchoirs s’envolent des haies) traînent en longs murmures le long de la coque. Si j’avais pu voir mon Ailée ainsi désaillée, j’en aurais pleuré !

À ce moment, un paquebot énorme sort. Beuzit