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Il est dans la pratique de l’Humanité, que les majeurs de l’espèce ne reconnaissent de Droits aux mineurs, en dehors des plus simples droits naturels, que lorsque ceux-ci les revendiquent jusqu’à la révolte : les majeurs en ceci n’ont qu’un tort, c’est de trop attendre, et de ne pas travailler à faire mûrir leurs cadets pour la pratique du Droit. — Mais en principe toutes les fois que l’exercice d’un droit compromettrait gravement des intérêts plus au moins généraux, il est bon de ne l’accorder qu’à ceux qui le réclament, car quand ils ne le font pas, c’est qu’il n’en sentent pas l’importance, et il y aurait à craindre qu’ils n’en fissent un mauvais usage.

Mais quand ce Droit est revendiqué, que sa privation entraîne des douleurs et des désordres, il faut le reconnaître, sous peine d’oppression, de déni de Justice.

Or la privation du Droit civil est pour les femmes une source de douleurs, de malheurs, de corruption, d’humiliation ; la revendication de ce Droit se pose, elles sont mûres pour l’obtenir : ce serait donc un déni de Justice que de refuser de le reconnaître.

Il n’en est pas de même pour le Droit politique : elles ne le désirent ni ne le réclament.

Rappelez-vous, Madame, que dans tout sujet il y a la théorie et la pratique. L’une est l’absolu, l’idéal qu’on se propose de réaliser, l’autre est la mesure dans laquelle il est sage et prudent d’introduire l’idéal dans un milieu donné.

Ainsi, de Droit absolu, nous sommes en tout les égales des hommes ; mais si nous prétendions réaliser cet absolu dans notre milieu actuel, bien loin de marcher en avant, il y aurait recul et